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Tétraplégiques : les promesses des implants dans le cerveau

Un Néerlandais atteint de tétraplégie chronique a pu marcher de nouveau grâce à une nouvelle interface cerveau-machine mise au point par une équipe de scientifiques en Suisse. Une percée thérapeutique talonnée par l’invention du fantasque Elon Musk et de sa société Neurolink destinée, elle, à “augmenter l’humain”.

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Il pense donc il marche. Gert-Jan Oskam, un Néerlandais de 38 ans, estimait qu’il ne pourrait plus jamais se tenir debout et avancer après un grave accident il y a plus de 10 ans. Mais un implant dans son cerveau a permis à ce tétraplégique chronique de retrouver l’usage de ses jambes, détaille l’équipe suisse de scientifiques à l’origine de cette percée thérapeutique, dans un article publié mercredi 24 mai dans la revue Nature. 

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Gert-Jan Oskam a pu se mouvoir à plusieurs reprises, y compris monter des escaliers, grâce au dispositif imaginé par ces chercheurs. “J’ai pu me lever pour la première fois en 10 ans pour aller prendre un verre avec mes amis. C’est plutôt cool”, a-t-il reconnu auprès du quotidien The Guardian

Un “pont digital” 

“Notre concept de ‘pont digital’ entre le cerveau et la moëlle épinière annonce une nouvelle ère dans le traitement des déficits moteurs causés par des troubles neurologiques”, s’enthousiasment ces scientifiques emmenés par la Suisse Jocelyne Bloch et le Français Grégoire Courtine, deux sommités dans leur domaine. 

Ce “pont digital” consiste en deux implants : l’un placé à la surface du cerveau et l’autre au niveau de la moëlle épinière “sous la lésion”, précise Henri Lorach, chef de projet interface cerveau-moelle épinière à l’École polytechnique fédérale de Lausanne et membre de l’équipe qui a réalisé l’opération. 

Ces deux boîtiers sont reliés grâce à une connexion sans fil et peuvent communiquer entre eux en direct. “Dans le cas d’une lésion de la moëlle épinière, la connexion naturelle avec le cerveau est rompue, et le but de ce pont est de la rétablir en mesurant l’activité du cerveau pour transmettre ensuite les stimulations à la moëlle épinière”, résume Henri Lorach. 

Plus facile à dire qu’à faire. L’implant doit d’abord reconnaître les impulsions électriques du cerveau qui correspondent aux ordres de marcher, il doit ensuite les décoder, puis transmettre la bonne information à la moëlle épinière. 

L’équipe de Jocelyne Bloch et Grégoire Courtine travaille sur ces interactions cerveau-machine à but thérapeutique depuis plusieurs années et ils “sont reconnus comme des précurseurs en la matière”, assure Camille Jeunet-Kelway,  spécialiste des interfaces cerveau-machine à l’Institut de neurosciences cognitives et intégratives d’Aquitaine (INCIA), un laboratoire mixte de recherche du CNRS et de l’université de Bordeaux. 

Ces neuroscientifiques basés en Suisse avaient déjà réalisé un grand bond en avant en 2018. Ils avaient alors identifié les bonnes impulsions électriques qui correspondaient, au niveau du cerveau, aux ordres de marcher et avaient réussi à créer un programme capable de les reproduire afin de transmettre les stimulis nécessaires à la moëlle épinière. 

Gert-Jan Oskam a pu bénéficier de la version améliorée de ce dispositif. La grande différence est que “tout se fait cette fois-ci en temps réel”, souligne Henri Lorach. Le patient veut marcher et le dispositif le comprend et s’exécute. “C’est une grande avancée dans le domaine de la marche naturelle pour ces individus”, reconnaît Camille Jeunet-Kelway. 

Une pincée d’IA 

Comment l’implant réussit-il à “lire” les pensées ? C’est le résultat d’une phase d’entraînement. “Ils ont utilisé une méthode statistique permettant d’accumuler des preuves pendant la phase de calibration”, explique Camille Jeunet-Kelway. Concrètement, pendant plusieurs semaines, Gert-Jan Oskam a dû penser à se mouvoir afin que l’algorithme utilisé pour assister le patient isole correctement les impulsions électriques correspondant aux différents mouvements. 

Après cet entraînement, l’IA utilisée va, grâce à ce qu’elle a appris, “prédire quelles données cervicales à décoder et transmettre”, explique Henri Lorach. 

Le résultat est impressionnant à plus d’un titre. Le dispositif “décode de manière fiable et on constate peu de faux positifs”, note Camille Jeunet-Kelway. L’implant décode non seulement les bons signaux, mais il interprète également correctement l’intensité de l’ordre à transmettre. Autrement, les jambes risqueraient de faire des mouvements trop amples ou trop discrets pour avancer ou monter les escaliers. 

Enfin, les scientifiques ont constaté que ce travail avec les implants avait aussi eu un effet bénéfique sur la guérison du patient…une fois le dispositif retiré. “Les victimes de ce genre de lésions neurologiques connaissent généralement un plateau thérapeutique après une certaine période de rééducation. Dans le cas présent, le patient semblait l’avoir atteint, mais après avoir utilisé l’implant, son état général s’est amélioré et il a dépassé le plateau. Donc l’implant semble non seulement permettre de compenser le handicap mais aide aussi à la guérison”, note Camille Jeunet-Kelway. 

>> À lire aussi : Les implants cérébraux d’Elon Musk, science ou science-fiction ?

C’est donc une avancée très prometteuse, mais dont les résultats doivent encore être confirmés. L’expérience, bien que couronnée de succès, n’a concerné qu’un individu. “Les lésions à la moëlle épinière étaient sévères mais seulement partielles, et nous ne savons pas encore si le dispositif fonctionnera avec des patients dont les lésions sont plus profondes ou à d’autres endroits”, reconnaissent les auteurs de l’article dans Nature. 

Il y a aussi des limites liées “à l’autonomie du dispositif”, reconnaît Henri Lorach. Si l’appareil tombe en panne alors que son utilisateur est en pleine marche, les conséquences pourraient être graves. 

L’effort déployé pour marcher à nouveau après des années d’immobilité forcée est aussi intense. De ce fait, “il faut aussi prendre en compte la fatigue qui impose des séances limitées dans le temps”, note Henri Lorach. L’une des pistes consiste à réussir à miniaturiser tout le dispositif – notamment l’ordinateur portable qui décode les signaux du cerveau – afin de le rendre moins encombrant. 

Très différent de l’implant d’Elon Musk 

Les interfaces cerveau-machine ont en tout cas le vent en poupe. Au lendemain de la publication de l’article de ces neuroscientifiques, le fantasque multimilliardaire Elon Musk a annoncé que les autorités américaines lui avaient donné le feu vert pour tester son implant – développé par sa société Neurolink – sur l’homme. 

En 2019, le richissime patron de Tesla, SpaceX, Twitter et Neurolink avait précisé que son implant aiderait des millions de personnes atteintes de troubles neurologiques. 

Les scientifiques de l’École polytechnique de Lausanne vont-ils devoir subir la concurrence de l’un des hommes les plus riches au monde ? Les deux projets n’ont, en fait, que peu en commun. L’implant de Neurolink doit être inséré directement dans le cortex au plus près des neurones. “Notre méthode est moins invasive, car les électrodes sont placées à la surface du cerveau [mais tout de même sous la boîte crânienne, NDLR]. C’est plus acceptable pour le patient”, assure Heni Lorach. 

Ensuite, Neurolink considère que sa mission dépasse les buts simplement thérapeutiques. Elon Musk pense que son implant permettra aussi d’apprendre des langues directement, commander son smartphone par la pensée, etc. “En fait on ne sait pas encore trop à quoi il doit servir”, résume Camille Jeunet-Kelway. “Il y a une différence de philosophie, Elon Musk propose d’augmenter l’humain même sain, alors que notre finalité est seulement d’aider les patients atteints de troubles neurologiques”, résume Henri Lorach. 

Un champ d’action plus limité mais qui ouvre néanmoins de nombreuses portes. La marche n’est que la première étape. Le prochain objectif “est de restaurer les mouvements des bras chez ceux qui en ont perdu l’usage”, affirme Henri Lorach. 

Et c’est une autre paire de manches. “Le nombre de degré de liberté [de mouvements] à prendre en compte est beaucoup plus important que pour les jambes, où c’est essentiellement hanche, genoux, pieds. Surtout si on prend en compte les mains et les doigts”, explique Camille Jeunet-Kelway. 

Il faut, en outre, une bien plus grande précision dans l’analyse des signaux et informations. Par exemple, prendre un verre et boire nécessite la bonne amplitude du mouvement pour viser juste, et une pression suffisante mais pas trop pour tenir le verre sans le casser… 

Cet implant qui aide le patient en direct peut aussi s’avérer utile au-delà du cas des patients tétraplégiques ou paraplégiques. “D’un point de vue médical, dès qu’il est question de rééducation des fonctions motrices, ce type d’implants peut s’avérer utile”, assure Camille Jeunet-Kelway. L’accompagnement d’autres maladies qui entraînent une réduction de la motricité – telle que la maladie de Parkinson – pourraient aussi bénéficier de ces implants. 

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