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Le jus d’orange, cet étrange objet du désir spéculatif

Le jus d’orange est devenu la matière première la plus rentable pour les investisseurs, a constaté le quotidien Les Échos en début de semaine. Et cette hausse spectaculaire des prix risque de s’accentuer encore. Décryptage de cet engouement sur les marchés financiers.

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Les boursicoteurs s’enivrent au jus d’orange. La boisson a “détrôné le pétrole en tant que nouvelle matière première fétiche des traders”, constate le quotidien économique Les Échos, dans un article publié lundi 22 mai. 

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Le concentré de ce fruit apparaît sur la “short list” des meilleurs paris boursiers de plusieurs sociétés de conseil en investissement ces derniers temps. “Le jus d’orange est tout bonnement la matière première la plus rentable du moment”, reconnaît Alexandre Baradez, analyste marché chez IG France, un cabinet de conseil qui a analysé le phénomène jus d’orange dans une note publiée le 17 mai.

Une hausse de 30 % en six mois

Une popularité qui peut surprendre. Les spéculateurs s’intéressent souvent avant tout aux matières premières dont le cours boursier peut varier fortement sous l’effet de bouleversements mondiaux soudain. La guerre en Ukraine a ainsi longtemps fait du pétrole, gaz ou encore du blé les investissements fétiches de ces boursicoteurs prêts à prendre d’importants risques dans l’espoir que leurs paris sur l’évolution des prix rapportent gros.

Rien de tel avec le jus d’orange qui n’a que faire des combats à Bakhmout, des embargos sur les exportations russes ou encore de la destruction des récoltes de céréales en Ukraine. Pourtant, la flambée du prix de cette boisson n’a pas d’équivalent : il a progressé de 30 % depuis le début de l’année. 

Sur la même période, le prix moyen du panier de matières premières a, quant à lui, baissé de 11 %, selon le baromètre Bloomberg. Le pétrole, par exemple, a connu une chute de son prix de 12 % depuis janvier 2023. 

“La performance du cours du jus d’orange est remarquable, d’autant plus que la hausse dure depuis quelque temps déjà, ce qui est plutôt rare”, observe Alexandre Baradez. Le prix des matières premières est généralement cyclique, avec des périodes de fortes volatilités. Le jus d’orange, quant à lui, s’est montré têtu : il est simplement devenu de plus en plus cher, avec un prix “qui est passé de 90 dollars la livre (l’unité de mesure du concentré de jus d’orange, ndlr) au début de 2020 à 255 dollars la livre aujourd’hui”, souligne la note d’IG.

La faute à la Floride

Le principal coupable dans cette affaire s’appelle la Floride. L’État a longtemps été le verger de la production de concentré d’orange pour l’Amérique du Nord, un marché qui donne le “la” pour la fixation des prix mondiaux de cette matière première, souligne la note d’IG.

Historiquement, la Floride fournissait près de 80 % de toutes les oranges à jus pour étancher la soif des Américains, explique l’agence Reuters. Il y a un peu plus de cinq ans, c’était une industrie qui pesait plus de 9 milliards de dollars et employait 70 000 personnes en Floride. Aujourd’hui, le commerce du jus d’orange ne fait plus vivre directement que 32 000 employés et le secteur ne pèse plus qu’à peine 6 milliards de dollars, souligne le Washington Post.

Et 2023 devrait être la pire année depuis près de 80 ans pour la récolte en Floride, d’après les prévisions du ministère américain de l’agriculture. Elle devrait s’élever à 16 millions de boîtes d’orange à jus, contre plus de 41 millions en 2022, soit une baisse historique de 61 %.

“La Floride a été frappée par une succession de facteurs qui ont poussé le prix toujours plus haut”, note Alexandre Baradez. Tout a commencé en 2005 par la découverte d’une petite bactérie qui rendait les arbres fruitiers malade. C’était le début de l’épidémie de maladie du dragon jaune – ou Huanglongbing – qui en 2015 s’était étendue à près de 90 % des exploitations d’oranges de Floride. Une maladie qui n’a pas de remède à ce jour et rend l’agrume beaucoup plus amer, tout en tuant l’oranger en moins de cinq ans.

La pandémie de Covid-19 a, ensuite, donné un sérieux coup d’accélérateur à la demande de jus d’orange, alors même que la Floride peinait à maintenir sa production en raison de sa propre épidémie. Les Américains avaient soif de vitamines, contenues dans le célèbre jus et perçues comme un supplément naturel pour tenter de mieux se protéger contre le Sars-Cov-2, souligne la chaîne CNN. En quelques mois la demande a bondi de plus de 100 %.

Les ouragans s’en sont aussi mêlés. En 2022, les cyclones Nicole et Ian ont dévasté les champs d’agrumes. L’ouragan Ian, à lui tout seul, a coûté 247 millions de dollars à l’industrie du jus d’orange de Floride.

La Californie a augmenté sa propre production de jus d’orange pour tenter de minimiser l’impact des déboires de la Floride, et le Brésil – premier exportateur mondial de jus d’orange – en a vendu davantage sur le marché nord-américain. Mais c’est insuffisant pour combler le vide laissé par l’effondrement de la production du “Sunshine State”.

Des spéculateurs à l’affût

La situation actuelle est donc avant tout “le résultat d’un décalage classique entre la demande et l’offre”, note Alexandre Baradez. Cependant, la hausse n’aurait pas pu être aussi forte sans l’intervention d’un dernier acteur : “les spéculateurs ont joué le rôle d’accélérateur du phénomène”, affirme l’analyse d’IG. 

Le poids de quelques fonds spéculatifs et négociants est énorme sur le prix des matières premières. Il existe une vingtaine d’acteurs qui, à eux seuls, “font la pluie et le beau temps” sur ces marchés, souligne Les Échos. Et ils pèsent encore plus lourd pour le jus d’orange, un secteur où il y a tout de même encore moins d’acteurs que pour le pétrole, le blé ou d’autres matières premières traditionnellement très prisées comme le sucre ou le café.

Le problème est “qu’il n’y a aucune raison pour que la tendance s’inverse”, reconnaît Alexandre Baradez. Il n’y a toujours pas de remède pour la maladie du dragon jaune… qui a fait son apparition en 2018 aussi en Californie. Et la Floride reste l’un des États nord-américains les plus touchés par les ouragans saisonniers. 

La hausse des prix risque donc de persister. Une mauvaise nouvelle pour les consommateurs de jus d’orange qui risquent de devoir payer toujours plus cher pour leur boisson favorite. 

Mais ce n’est pas qu’une question de pouvoir d’achat. C’est aussi “un problème de santé publique, car beaucoup de gouvernements comptent sur du jus d’orange peu cher pour garantir l’apport en vitamine C de la population générale”, conclut la note d’IG. 

Autrement dit, il va peut-être bientôt y avoir une hausse du prix de médicaments et compléments alimentaires riches en vitamine C. La demande pour ces produits risque d’exploser si le jus d’orange devient trop cher. Pour le plus grand plaisir des spéculateurs.

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