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Ces images d’épisodes pluvieux ne remettent pas en cause l’alerte sécheresse en France

Vingt-huit départements français menacés par la sécheresse : une vaste supercherie ? C’est ce que prétendent des publications relayées des milliers de fois sur les réseaux sociaux depuis fin avril, illustrées par des vidéos ou des cartes météo montrant les récents épisodes de pluie en France. Les précipitations sont cependant des événements météorologiques ponctuels, alors que le niveau de nombreux cours d’eau et nappes phréatiques est bel et bien insuffisant, depuis plusieurs années.

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La vérification en bref

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  • Des publications prétendent que la pluie printanière constitue la preuve que le risque de sécheresse, et plus globalement le changement climatique, n’existent pas.
  • Ces messages sont accompagnés de vidéos et de cartes météo illustrant les précipitations intenses survenues en France ces dernières semaines.
  • L’utilisation de ces images pour nier un phénomène global de sécheresse est cependant trompeuse et fallacieuse : la pluie est un phénomène météorologique ponctuel qui ne permet pas, au printemps, de remplir les cours d’eau et les nappes phréatiques en déficit hydrique depuis plusieurs années, du fait du changement climatique. 

Le détail de la vérification 

#Climatisme : il pleut partout toute la journée même dans le sud, il neige sur les Alpes + les Pyrénées ! Malgré un mois de mars très pluvieux + avril, les médias osent parler de #sécheresse et de réchauffement tous les jours !”, avance un tweet montrant une carte météo, relayé plus de 1 500 fois depuis le 30 avril, accompagné des mots-dièse suivants : #Escrocs #Giec #Propagande #TerrorismeClimatique.

Capture d’écran prise sur Twitter le 18 mai 2023. Ce tweet est accompagné de deux cartes météo diffusées le 30 avril sur la chaîne de télévision LCI : l’une affiche des températures comprises entre 6 et 17 degrés, l’autre et des épisodes de pluie, ainsi que de neige, sur une large partie du territoire français.
Capture d’écran prise sur Twitter le 18 mai 2023. Ce tweet est accompagné de deux cartes météo diffusées le 30 avril sur la chaîne de télévision LCI : l’une affiche des températures comprises entre 6 et 17 degrés, l’autre et des épisodes de pluie, ainsi que de neige, sur une large partie du territoire français. © Les Observateurs

Une carte météo semblable, illustrant d’importantes précipitations, a été diffusée le 9 mai, accompagnée d’assertions mettant à leur tour en doute le risque de sécheresse annoncée pour de nombreux départements. 

Capture d’écran prise sur Twitter le 17 mai 2023.
Capture d’écran prise sur Twitter le 17 mai 2023. © Les Observateurs

Avec la même rhétorique, plusieurs vidéos de pluie diffusées des centaines, voire des milliers de fois sur les réseaux sociaux (ici, ici, ou encore ici) ont été utilisées pour dénoncer la “#propagande incessante du #pouvoir” et remettre en cause les effets du changement climatique. 

Captures d’écran prises sur Twitter le 17 mai 2023.
Captures d’écran prises sur Twitter le 17 mai 2023. © Les Observateurs

Cependant, les arguments avancés sont fallacieux, comme l’ont ont expliqué à la rédaction des Observateurs de France 24 deux spécialistes du climat. 

Météo et climat : deux temporalité différentes 

Cette année, la pluie printanière a percé le ciel dès le mois de mars, alors que 28 départements français sont toujours placés en alerte sécheresse. Ces deux événements ne sont toutefois pas contradictoires car ils ne relèvent pas de la même temporalité.

Il convient de ne pas confondre la météo, l’événement qui fait le jour J, avec le climat, qui est l’évolution de long terme, sur plusieurs mois ou plusieurs années, de l’état de la Terre”, explique Roland Séférian, climatologue du Centre national de recherches météorologiques (CNRM) – Météo France.

“Ce genre de message relève du discours de l’inaction et de ce qu’on appelle le ‘cherry-picking’, qui désigne le fait de mettre en avant un événement isolé et qui nous donne raison. Dans ce cas, on est vraiment dans un exemple de météo tout à fait classique de printemps, qui est utilisé pour nier un fait climatique, tendance séculaire de long terme due aux activités humaines”, ajoute-t-il. 

D’après lui, les précipitations observées ces dernières semaines n’ont rien de surprenant ni d’exceptionnel : “Si on regarde la climatologie sur une trentaine d’années, le mois de mai est le plus pluvieux de tous en France. Comme on s’approche de l’été, les événements ont tendance à être plus intenses du fait du réchauffement de l’atmosphère, car elle est plus chargée en énergie”, pointe-il.

Les pluies printanières : des précipitations insuffisantes 

Les pluies printanières ne sont pas celles qui permettent de réhausser le niveau des cours d’eau et des nappes phréatiques. Ce n’est pas parce qu’il pleut le 17 mai que du jour au lendemain, les nappes phréatiques vont être remplies, que les rivières vont être remplies, et que la situation de sécheresse va se résoudre de manière instantanée”, indique le Roland Séférian. 

En effet, le cycle de recharge des nappes phréatiques, ces grandes réserves d’eau souterraines qui représentent l’une des principales sources d’eau potable, s’étale sur des mois. “L’état des rivières, lui, est plutôt dépendant de la quantité d’enneigement. Or, on se trouve en situation de déficit d’enneigement depuis de nombreuses années”, explique par ailleurs le climatologue.

Le printemps n’est pas la période où les nappes phréatiques se rechargent le plus, car ce sont les mois du démarrage de la végétation. À cette période de l’année, une grande partie de l’eau de pluie est captée par la végétation ou par le soleil. Les mois où les nappes se rechargent le mieux sont les périodes automnales et hivernales”, complète Roland Séférian.

“Lorsqu’on a des précipitations intenses, l’eau tombe très fort, en volume important et en très peu de temps”, réagit Dominique Darmendrail, après avoir visionné la vidéo ci-dessous, relayée près de 2 500 fois depuis le 12 mai sur Twitter. Directrice du programme Eau et Changement global au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), service géologique national, la spécialiste assure la surveillance du niveau des nappes phréatiques et de la qualité des eaux souterraines en France métropolitaine.

Capture d’écran prise sur Twitter le 17 mai 2023
Capture d’écran prise sur Twitter le 17 mai 2023 © Les Observateurs

“Dans ce cas de figure, les sols ont du mal à absorber l’eau qui tombe. Alors, on a surtout ce qu’on appelle du ruissellement vers les rivières ou les réseaux en ville et des phénomènes d’érosion, car l’eau va très vite et érode les sols nus”, précise-t-elle. “Seule une petite quantité rejoint les nappes phréatiques”, abonde le climatologue du CNRM. 

Au-delà de la périodicité, l’état des nappes phréatiques dépend de leur emplacement géographique. Sur le territoire français, il existe plusieurs types de nappes phréatiques, qui se chargent en eau à des vitesses différentes selon leur typologie“, détaille Dominique Darmendrail. 

“Les niveaux de celles situées dans des milieux très fissurés montent très vite car, dès qu’il pleut, l’eau entre dans les fissures. À l’heure actuelle, en Bretagne par exemple, où il a beaucoup plu aux mois d’avril et mai, on a une recharge qui est en hausse et les nappes phréatiques se sont bien remplies. À l’inverse, dans le centre de la France, dans le bassin parisien et le tiers Sud du pays, il a beaucoup moins plu et l’infiltration de l’eau dans les nappes phréatiques est beaucoup plus lente du fait de leur nature.” 

Des niveaux trop bas dans 68 % des nappes phréatiques

Le niveau de remplissage des nappes phréatiques dépend donc de différents facteurs, lesquels ne sont pas réduits aux précipitations de printemps observées ces dernières semaines.

Le BRGM, qui surveille les nappes phréatiques et mesure les évolutions des réserves en eau à l’aide de capteurs, transmet ces observations scientifiques dans le portail national de données Ades mis à disposition du public.

Ainsi, dans son dernier bulletin du 17 mai 2023, l’établissement estimait que “la situation demeure peu satisfaisante sur une grande partie du pays : 68 % des niveaux des nappes phréatiques restent sous les normales mensuelles en avril 2023 (75 % en mars 2023, 58 % en mars 2022).” 

Capture d'écran prise sur le site du BRGM le 18 mai 2023
Capture d’écran prise sur le site du BRGM le 18 mai 2023 © Les Observateurs

Cela pourrait donc présager d’un été encore plus sec cette année. La situation estivale de 2022 avait déjà été marquée par une sécheresse exceptionnelle.

Capture d'écran prise sur le site du BRGM le 18 mai 2023
Capture d’écran prise sur le site du BRGM le 18 mai 2023 © Les Observateurs

Ce risque de sécheresse représente une menace pour différents secteurs d’activités, de l’agriculture au tourisme.

Les nappes phréatiques sont des éléments essentiels à la préservation de la biodiversité, comme le rappelle Roland Séférian : “Ce sont des réserves d’eau douce substantielles pour l’humanité et ses usages. L’existence même de ces nappes peut aussi jouer dans la structuration de notre sol et de notre sous-sol. Du point de vue de la biodiversité, ce sont les nappes phréatiques qui soutiennent l’existence de certains étangs, de zones humides et de réserves de biodiversité.”

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