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Sinan Ogan, un “faiseur de rois” dont Erdogan n’a nul besoin

En arrivant troisième au premier tour de l’élection présidentielle turque le 14 mai, le candidat ultranationaliste Sinan Ogan est passé de l’ombre à la lumière sur la scène internationale. Le président Recep Tayyip Erdogan, lui, s’en sort mieux que prévu, prouvant qu’il n’a besoin de personne pour remporter l’élection la plus disputée depuis 20 ans.

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Au terme d’une longue soirée électorale, alors que les Turcs s’inquiétaient d’un brusque retard dans les données de vote en provenance des grandes villes, le troisième homme de la course à la présidence s’est retrouvé, dimanche 14 mai, sous les feux de la rampe : l’ultranationaliste Sinan Ogan.  

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Ni Recep Tayyip Erdogan, ni Kemal Kilicdaroglu ne sont parvenus à atteindre 50 % de voix afin d’éviter un second tour le 28 mai. Sinan Ogan a obtenu 5,2 % des voix, un résultat potentiellement crucial dans une course à la présidentielle très disputée. Cet homme politique de 55 ans se rêve en potentiel faiseur de rois.  

“50 nuances de nationalisme” 

Ancien universitaire titulaire d’une maîtrise en droit financier, Sinan Ogan a obtenu un doctorat en relations internationales et en sciences politiques à l’Institut d’État des relations internationales de Moscou avant de se lancer en politique.  

Ancien membre du Parti du mouvement nationaliste (MHP) d’extrême droite, il a été élu au parlement turc dans sa région natale d’Igdir, dans l’est de la Turquie, en 2011. Il quitte le parti en 2017 lorsque Devlet Bahceli, chef du MHP, apporte son soutien au projet de réforme constitutionnelle d’Erdogan pour aller vers un régime plus présidentiel.

Avec d’autres hauts responsables du MHP, Sinan Ogan est en désaccord avec l’abandon du système parlementaire. Propulsée à la tête de cette fronde, l’ancienne ministre de l’Intérieur Meral Aksener crée le Bon Parti (Iyi Parti, en turc). Umit Ozdag fait aussi dissidence pour rejoindre le Bon Parti dans un premier temps puis former le Parti de la Victoire (Zafer), un parti d’extrême droite et anti-immigrés. 

De son côté, Sinan Ogan n’est affilié à aucun parti depuis sa démission du MHP, mais a choisi, pour ces élections, d’unir ses forces avec Umit Ozdag. Ils ont ainsi formé l’Alliance ancestrale (ATA) ultranationaliste. Meral Aksener, elle, a rejoint l’Alliance nationale de Kemal Kilicdaroglu, mieux connue sous le nom de “Table des Six” pour les six partis d’un groupe dominé par le CHP.  

À lire aussi  Kemal Kilicdaroglu, la “force tranquille” qui défie Recep Tayyip Erdogan

Malgré leurs différentes alliances, les trois ex-MHP ont un point commun :  ils puisent dans la base ultra-nationaliste en période électorale, dans un pays où la fibre nationaliste est très ancrée.  

“Il existe près de cinquante nuances de nationalisme en Turquie”, explique Guney Yildiz, analyste spécialisé dans la recherche sur la Turquie. “Les nationalistes sont partout : ils peuvent être laïcs conservateurs et même de gauche. Cela ne laisse pas beaucoup de marge de manœuvre politique aux candidats qui n’appartiennent pas à cette famille.  

Un vote “qui n’est pas acquis” 

Au lendemain du premier tour, Sinan Ogan s’est positionné en faiseur de rois, posant ses conditions pour soutenir l’un des deux candidats au second tour le 28 mai. Il a notamment déclaré, dans une interview avec Reuters, qu’il ne pourrait soutenir Kemal Kilicdaroglu que si ce dernier acceptait de ne faire aucune concession au Parti démocratique des peuples (HDP), un parti prokurde. 

Si le HDP ne fait pas partie de l’alliance de la “Table des Six”, il a soutenu la candidature de Kemal Kilicdaroglu.

Dans les prochains jours, Sinan Ogan doit rencontrer les deux candidats en tête qualifiés pour le second tour. L’alliance avec Erdogan est perçue comme plus évidente, le président turc s’étant allié à l’extrême droite depuis 2018. “Nos chances au second tour sont très, très élevées. Ogan détient désormais la clé”, a déclaré à Reuters un haut fonctionnaire de l’AKP, le parti au pouvoir d’Erdogan. 

Cependant, Guney Yildiz prévient qu’il faut rester prudent et ne pas surestimer le rôle potentiel de Sinan Ogan. “Il a remporté le vote de réaction des électeurs qui ne se voyaient pas soutenir l’un des deux blocs [majeurs]. Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse d’un vote de conviction pour Sinan Ogan.” 

Avec un score final de 49,51 % pour Erdogan, certains analystes ont également noté que le rôle de Sinan Ogan au second tour était passé de faiseur de roi à courtisan, car le “sultan” de la politique turque, au pouvoir depuis 20 ans, a le vent en poupe. 

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Selon Jasper Mortimer, correspondant de France 24 en Turquie, Erdogan a toutes les cartes en main pour négocier avec Sinan Ogan. “Certains des électeurs de Sinan Ogan voteront pour Erdogan”, a-t-il expliqué en direct d’Ankara. “Ce qu’il faut retenir, c’est qu’Erdogan a clairement gagné. Il ne lui manque que 0,5 % pour atteindre 50 % des voix. Personne ne lui [Sinan Ogan, NDLR] demande son soutien. Peut-être qu’Erdogan va lui offrir quelque chose, mais il n’en a pas besoin.” 

Jouer la carte du nationalisme 

Pendant sa campagne, Kemal Kilicdaroglu a livré un message d’ouverture. Il a fait la promesse d’une rupture avec les mesures de répressions des libertés et de la dissidence, prises au cours de la dernière décennie de domination politique turque par Erdogan. 

Néanmoins, l’air du temps politique semble favoriser une rhétorique “purement turque”. “Le fait que Sinan Ogan ait obtenu plus de 5 % des voix souligne que l’ultra-nationalisme pur et dur est bien vivant en Turquie”, a déclaré à l’AFP Anthony Skinner, consultant en risques politiques. Au total, les nationalistes et les ultra-nationalistes du pays ont remporté 22 % des sièges à l’Assemblée.  

Article adapté de sa version originale en anglais par Assiya Hamza et Barbara Gabel.

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