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Avec la folie du barbecue de Zibo, la Chine tente de faire oublier le goût du Covid-19

Zibo est passée de statut de ville chinoise inconnue à destination touristique par excellence en à peine deux mois, profitant d’un engouement soudain et massif pour son barbecue local. Un phénomène insolite, révélateur d’un pays qui a mal à son rebond économique.

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Il a dépensé près d’un million de yuan (122 000 euros) pour acheter un grand appartement à Zibo, une ville industrielle dans la province de Shandong, dans l’est de la Chine. Cet homme qui se fait appeler Guam sur les réseaux sociaux a décidé, début mai, de quitter sa ville natale pour traverser et rejoindre, à 1 200 km, une commune qui n’avait jamais fait parler d’elle jusqu’à récemment.

Il assure n’être pas le seul à vouloir déménager à Zibo, et sa vidéo expliquant son choix a fait le tour de la Chine, raconte le South China Morning Post. Guan est ainsi devenu la preuve vivante et virale de l’incroyable sursaut de popularité que Zibo a connu ces deux derniers mois. 

Le BBQ viral

Comme tant d’autres, Guan a expliqué avoir été attiré dans cette ville par son amour… du barbecue. “Depuis mars, il y a eu plusieurs influenceurs chinois qui ont tant et si bien vanté les qualités de cette cuisine de rue à Zibo, que la ville est devenue l’une des principales destinations touristiques en Chine en cette période très chargée en congés”, note Marc Lanteigne, sinologue et spécialiste de l’économie politique chinoise à l’Université arctique de Norvège.

La ville est en effet connue pour cette méthode de cuisine et compte plus de 1 200 vendeurs de rue de barbecue, d’après l’Association des vendeurs de barbecue de Zibo joint par la chaîne britannique BBC

Conséquence de cette ruée vers la nouvelle “capitale du barbecue” : la ville a vu sa population multipliée par deux durant les mois de mars et avril. Sur la seule journée du 29 avril, il y a eu le nombre record de 87 000 billets de train achetés pour Zibo.

Un afflux massif de visiteurs qui a poussé la municipalité à prendre des mesures d’urgence. Fin avril, elle a fait construire une “zone à barbecue”, capable d’accueillir 10 000 mangeurs qui peuvent se distraire au son de concerts et spectacles organisés à toute heure du jour comme de la nuit, a rapporté le magazine économique chinois Caixin.

La ville a aussi décidé de limiter la possibilité de réservation dans les hôtels pendant les longs week-ends – notamment celui autour de la fête du Travail qui dure du samedi 29 avril au mercredi 3 mai – pour éviter de ne pas pouvoir faire face à la marée humaine répondant à l’appel du barbecue. Une amende a enfin été prévue pour punir les hôteliers qui auraient gonflé leur prix de plus de 50 % depuis le début du “boom du BBQ”.

Ce tourisme culinaire a été très bon pour les affaires de Zibo. La ville a connu une croissance qui a frôlé les 5 % au premier trimestre, après avoir connu une chute de son PIB de plus de 2 % au dernier trimestre 2022, rappelle la chaîne américaine CNN.

Retour des vendeurs de rue en Chine ?

“Au début c’était un phénomène spontané de personnes voulant profiter de la fin des mesures sanitaires, mais il a rapidement été récupéré par les médias d’État, qui l’ont dépeint comme un bon moyen d’arrondir ses fins de mois ou de trouver un travail dans un contexte économique difficile”, explique Carlotta Rinaudo, spécialiste de la Chine pour l’International Team for the Study of Security (ITSS) Verona. Plusieurs banques ont ainsi développé des offres de prêts spécifiques pour ceux qui veulent se lancer dans l’aventure du stand à BBQ, rappelle le South China Morning Post.

Pour Carlotta Rinaudo, si Zibo pourrait garder le monopole du BBQ de rue, il est “probable que ce soit le début d’un retour en grâce plus large dans le pays de la street food”. Plusieurs grandes métropoles, comme Shenzhen, Shanghai ou même Pékin ont annoncé la fin d’une partie des restrictions sur les stands de rue dans le sillage du “miracle de Zibo”.

C’est un revirement étonnant. Le président chinois Xi Jinping est censé avoir cette économie informelle en horreur. “Elle ne correspond pas à l’image d’une Chine tournée vers le e-commerce et les technologies du futur qu’il veut projeter sur la scène internationale”, souligne Xin Sun, spécialiste de politique économique chinoise au King’s College de Londres. 

Au début de la pandémie, Li Keqiang, alors Premier ministre, avait appelé à redonner leur chance aux vendeurs de rue car c’était un débouché facile pour les Chinois les plus pauvres, qui risquaient d’être les plus touchés par les conséquences économiques de la politique du zéro covid. Mais l’entourage de Xi Jinping n’a rien voulu entendre, en partie parce que “la proposition émanait par celui qui était alors perçu comme le principal opposant politique à Xi Jinping au gouvernement”, note Xin Sun.

Le fait que Li Keqiang ait été écarté du gouvernement en mars 2023 a ôté un obstacle politique au retour en grâce de cette économie informelle. “Xi Jinping pouvait soutenir ce phénomène sans donner l’impression de concéder un point à un potentiel rival politique”, résume Xin Sun.

Créer des emplois au plus vite

Surtout, la promotion de cette activité intervient à un moment où “les autorités locales subissent une intense pression pour trouver des manières de créer rapidement des emplois”, assure Carlotta Rinaudo.

Les pauvres ne sont, en effet, pas les seuls à avoir pâti de la pandémie. Le taux de chômage des jeunes de 16 à 25 ans a dépassé les 20 % en avril. Du jamais vu en Chine. “Les autorités voient ces emplois dans le secteur informel comme une solution facile pour tenter de résorber le problème grandissant du chômage des jeunes”, note Carlotta Rinaudo.

Pour Pékin, c’est aussi “une manière de vanter sur la scène internationale la capacité de l’économie chinoise à se réinventer face aux défis”, assure Marc Lanteigne. Le très attendu rebond de l’économie chinoise tarde, en effet, à se matérialiser et “le gouvernement peut ainsi soutenir qu’il y a des initiatives locales montrant que le pays peut miser davantage sur les services et le tourisme”, poursuit le sinologue.

Mais comme la plupart des phénomènes nés sur Internet, la “BBQ-mania” ne devrait pas durer, d’après les experts interrogés par France 24. “C’est comme un médicament qu’on avale pour faire passer rapidement un rhume même s’il a mauvais goût”, affirme Carlotta Rinaudo. Il n’en demeure pas moins que “le gouvernement considère cette activité comme un anachronisme qui devra disparaître dès que possible”, ajoute Marc Lanteigne. Et tous les jeunes qui sont actuellement poussés à ouvrir des stands de barbecue ont probablement d’autres aspirations professionnelles. Même si le sandwich à la brochette de viande avec de la cibelle à la mode de Zibo fait, en ce moment, le bonheur de millions de Chinois.

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