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Arrêt du nucléaire en Allemagne : Berlin met les gaz sur les énergies renouvelables

L’Allemagne a mis à l’arrêt, samedi, ses trois derniers réacteurs nucléaires en activité. Cette fin de l’énergie atomique, aboutissement de plus de 20 ans d’un désengagement politique volontaire, compte donner la priorité aux énergies renouvelables en vue d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2045. Mais le recours au gaz et au charbon pourrait écorner les ambitions climatiques de Berlin.

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Exit le nucléaire, entrée dans une nouvelle ère ? L’Allemagne a mis à l’arrêt ses trois derniers réacteurs en activité, samedi 15 avril, mettant fin à un long processus de désengagement dans l’énergie atomique initié depuis plus de 20 ans.

Les centrales d’Isar 2 (au sud-est du pays), de Neckarwestheim (sud-ouest) et d’Emsland (nord-ouest) ont été déconnectées du réseau électrique comme prévu, ont indiqué leurs exploitants. L’énergéticien allemand RWE a parlé de “la fin d’une ère” dans un tweet, ajoutant que “cette décision marque également la fin de la production d’électricité à partir de l’énergie nucléaire en Allemagne, après environ 60 ans”.

La sortie du nucléaire “arrive trop tard et non trop tôt”, a lancé samedi lors d’un rassemblement à Berlin le député Jürgen Trittin, figure du parti des Verts, qui y voit une “date historique”. C’est l’aboutissement du combat mené depuis plusieurs décennies par le puissant mouvement antinucléaire allemand contre “une technologie dangereuse, non durable et coûteuse”.

L’Allemagne a respecté sa feuille de route à quelques mois près – les derniers réacteurs devaient initialement fermer fin 2022, mais cette date a été reportée pour éviter un rationnement d’électricité en Allemagne l’hiver passé.

C’est la conclusion d’une longue transition énergétique amorcée d’abord par le gouvernement Schröder en 2001, une “réforme essentielle” qui devait notamment conduire à “un soutien” aux énergies renouvelables, selon les mots de l’ex-chancelier Gerhard Schröder.

La loi Atomique qui en découle, en 2002, entérine ce choix stratégique de se désengager progressivement de l’énergie atomique et stipule que “la poursuite de l’utilisation de l’énergie nucléaire pour la production industrielle d’électricité ne sera autorisée que pendant une période limitée en raison des risques élevés (notamment des accidents consécutifs au rejet d’éléments radioactifs, NDLR) liés à l’utilisation de cette énergie”.

Puis survient en 2011 la catastrophe de Fukushima, un accident nucléaire consécutif à un tsunami d’ampleur au Japon qui va coûter la vie à 18 500 personnes. Ce drame rebat les cartes sur le nucléaire en Allemagne : alors que le gouvernement d’union d’Angela Merkel avait décidé en 2010 de prolonger de 12 ans la durée de vie des centrales nucléaires, la chancelière allemande va faire volte-face un an plus tard et poursuivre l’abandon de l’énergie atomique. Un calendrier est alors acté : huit réacteurs sont arrêtés immédiatement, les neuf autres doivent l’être d’ici fin 2022. Cela a été finalement acté le 15 avril 2023.

Arrêt du nucléaire et crainte de la relance du charbon

Le nucléaire pesait peu ces dernières années dans le mix énergétique allemand : les trois centrales arrêtées le week-end dernier n’ont fourni que 6 % de l’électricité produite dans le pays en 2022 – loin des 30,8 % que représentait l’énergie atomique en 1997. Entre-temps, la part des énergies renouvelables a atteint 46 % en 2022, contre moins de 25 % dix ans plus tôt.

“En une décennie, l’Allemagne a fait croître les énergies renouvelables de manière assez impressionnante”, explique Nicolas Goldberg, associé du cabinet de conseil Colombus Consulting et spécialiste des questions énergétiques.

Portées par cette dynamique, les énergies vertes – le photovoltaïque, l’éolien terrestre et en mer ou encore la chaleur renouvelable (bioénergie, solaire thermique, pompes à chaleur) – ont le vent en poupe outre-Rhin, et cela devrait se poursuivre dans les années à venir. “Nous devons réussir à tripler les capacités installées, afin d’atteindre une proportion de 80 % d’électricité d’origine renouvelable en 2030”, a affirmé le 17 mars le directeur de l’Office fédéral pour l’environnement (UBA), Dirk Messner.

“Quand on fait le bilan du mix énergétique allemand, il est meilleur aujourd’hui qu’il ne l’était il y a 22 ans”, constate Thomas Pellerin-Carlin, directeur du Centre énergie de l’institut Jacques Delors. “Cela permet à l’Allemagne de sortir du nucléaire tout en diminuant sa consommation de charbon.”

L’Allemagne a effectivement fait baisser progressivement sa production d’électricité à partir de charbon durant la décennie 2010. Mais elle est repartie à la hausse ces dernières années, comme l’a constaté Libération. Pire : les productions de houille et de lignite ont augmenté de 8 % pour compenser la réduction des livraisons de gaz russe en 2022.

Le charbon représente encore près d’un tiers de la production électrique allemande, et l’arrêt récent des derniers réacteurs nucléaires en activité inquiète jusqu’en-dehors des frontières. La France a fait part de ses craintes, le 13 avril. “Il va de soi que la relance de l’énergie fossile pour compenser la sortie du nucléaire ne va pas dans le sens de l’action climatique que nous portons tous collectivement au niveau européen”, a notamment indiqué le cabinet de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.

“À court terme, quand on débranche une unité de production décarbonée (comme un réacteur nucléaire, NDLR), c’est sûr que ce n’est pas positif pour le climat”, précise Thomas Pellerin-Carlin.

“Investir dans le fossile en même temps que dans les énergies renouvelables”

Nicolas Goldberg ajoute que la production de charbon en Allemagne “connaît globalement une baisse assez tendancielle, mais cette baisse est trop lente”. Pourtant, le pays entend sortir de cette énergie fossile à l’horizon 2030 – au lieu de 2038 comme c’était initialement prévu.

“C’est extrêmement ambitieux”, reprend le spécialiste des questions énergétiques. “Pour arriver à cet objectif, l’Allemagne prévoit d’ouvrir de nouvelles centrales électriques fonctionnant au gaz. C’est un vrai problème : elle va devoir continuer à investir dans le fossile en même temps que dans les énergies renouvelables. Il aurait mieux valu fermer les centrales à charbon que les derniers réacteurs nucléaires, mais il n’y a pas de consensus politique autour de ce sujet en Allemagne.”

Cette possible persistance d’énergies fossiles dans le mix énergétique serait une mauvaise nouvelle pour le pays, qui compte atteindre la neutralité carbone – c’est-à-dire l’équilibre entre les émissions et l’absorption du carbone de l’atmosphère – à l’horizon 2045.

Pour mener à bien son verdissement énergétique, Berlin va aussi devoir résoudre un autre défi : améliorer les réseaux de distribution d’électricité pour atteindre ses objectifs en matière d’énergies renouvelables. Le pays est, en effet, divisé entre le nord, où la plupart des éoliennes sont installées, et le sud, à la pointe des installations solaires photovoltaïques et où se trouve une grande partie de l’industrie allemande. La connectivité électrique, qui est essentielle pour ces deux parties du territoire, est pour le moment limitée, mais une loi sur l’expansion du réseau doit entrer en vigueur cette année.

Toujours est-il que l’Allemagne veut aller de l’avant en la matière. Le chancelier Olaf Scholz a demandé l’installation de “quatre à cinq éoliennes par jour” – soit entre 1 460 et 1 825 éoliennes par an – au cours des prochaines années pour poursuivre à un rythme soutenu le développement des énergies renouvelables. Un pari sur l’avenir, alors que l’Allemagne n’a raccordé que 551 éoliennes à son réseau en 2022.

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