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Charles de Courson, le député qui fait trembler le gouvernement d’Élisabeth Borne

Projeté dans la lumière médiatique par la motion de censure qu’il a défendue et qui faillit faire chuter le gouvernement d’Élisabeth Borne, Charles de Courson espère pouvoir défendre, jeudi, sa proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites. Pour ce député élu depuis 30 ans à l’Assemblée nationale et connu pour son indépendance d’esprit, il s’agit désormais d’un combat pour la démocratie. Portrait.

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Charles de Courson est en mission. Devenu en quelques mois, et de façon assez inattendue, un acteur de premier plan de l’opposition à la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, le député de la Marne du groupe Liberté, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot) se bat désormais pour quelque chose de plus grand : le respect de la démocratie.

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“Comment fait-on pour expliquer au peuple français que le texte a été promulgué alors qu’il n’y avait pas de majorité à l’Assemblée nationale pour le voter ? Je demande juste au gouvernement de respecter la démocratie et de respecter ceux qui pensent différemment”, explique Charles de Courson, 70 ans, quand on lui demande ce qui l’anime depuis plusieurs semaines.

Bien sûr, il continue de combattre une “réforme injuste” qui consiste, selon lui, à “faire payer aux plus modestes les économies voulues”. Mais à l’observer brandir, mercredi 31 mai, à l’Assemblée nationale, la menace d’une nouvelle motion de censure après le sabotage, par la majorité présidentielle, de sa proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites en commission, il semble désormais déterminé à faire chuter le gouvernement.

“La question centrale, c’est qu’on ne peut pas continuer à essayer de gouverner en étant minoritaire à l’Assemblée nationale et ultraminoritaire dans le pays. Ça n’est pas possible, ça ne tiendra pas. Donc c’est certain, il y a bien une motion de censure qui finira par passer tôt ou tard”, lance-t-il, en listant les outils constitutionnels utilisés par le gouvernement – articles 47.1, 42.2, 44.3 et 49.3 – pour restreindre l’expression du Parlement depuis janvier, auxquels il faudra peut-être bientôt ajouter l’article 40.

L’Assemblée nationale doit normalement examiner, jeudi 8 juin, la proposition de loi Liot dont le but est d’abroger le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Mais la mesure clé, supprimée en commission et réintroduite par un amendement, pourrait ne pas être discutée. En effet, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Renaissance), a laissé entendre qu’elle pourrait la déclarer irrecevable au titre de l’article 40, qui stipule que les propositions de loi et les amendements des parlementaires ne peuvent entraîner une diminution des recettes ou un alourdissement des charges publiques.

Le président de la commission des Finances, le député de Seine-Saint-Denis Éric Coquerel (La France insoumise), pourtant très opposé à Charles de Courson sur de nombreux sujets – le député de la Marne a notamment voté contre le mariage pour tous et contre l’inscription dans la Constitution de l’abolition de la peine de mort –, n’est pas surpris de pouvoir le compter parmi ses alliés de circonstance contre la réforme des retraites.

“J’ai toujours observé chez lui son attachement aux libertés et à la démocratie parlementaire, donc ça ne m’étonne pas de le voir s’opposer aux méthodes du gouvernement, explique-t-il. Il a tout à fait conscience du mal que fait la macronie à la démocratie et il est choqué.”

“Dire que l’important, c’est de devenir riche, ce n’est pas mon truc”

Emmanuel Macron a une conception hégélienne de l’État, c’est-à-dire qu’il pense que l’État est l’incarnation de la raison dans l’Histoire et qu’il peut imposer sa volonté car il est la raison. J’ai une conception totalement contraire. Pour moi, la politique, c’est ‘bottom to top’ [de la base vers le sommet, NDLR]. On construit par la société en encourageant les corps intermédiaires”, explique Charles de Courson, dont la famille donne des députés à la France sans interruption depuis 1789 et qui descend “en ligne directe” de Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau, député qui vota la mort de Louis XVI en 1793.

“Deuxième différence fondamentale : son absence totale de dimension sociale, poursuit-il. Je fais partie d’une droite modérée qui essaie d’avoir une conception sociale, qui essaie de trouver un équilibre, de s’occuper des gens qui ont décroché, d’être attentive aux plus fragiles et aux plus humbles. Jamais vous n’entendrez dans ma bouche ce propos horrible : ‘Les pauvres, ça nous coûte un pognon de dingue’. Dire que l’important, c’est de bien gagner sa vie et de devenir riche, ce n’est pas mon truc.”

Pour autant, les députés de la majorité présidentielle et du parti Les Républicains n’ont cessé de lui rappeler tout au long de la séquence des retraites, et encore mercredi 31 mai en commission, qu’il avait soutenu à la dernière élection présidentielle Valérie Pécresse, qui proposait la retraite à 65 ans, et que son attachement à la rigueur budgétaire avait jusqu’ici fait sa réputation.

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Car Charles Amédée Simon du Buisson de Courson, major de sa promotion à l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec), puis cinquième à sa sortie de l’École nationale d’administration (ENA) en 1979, est en effet un fin connaisseur des finances publiques. Après avoir débuté sa carrière en 1983 comme haut fonctionnaire à la Cour des comptes puis à la direction du Budget, il entre en politique en 1986 en succédant à son père à la mairie de Vanault-les-Dames, dans la Marne, et en intégrant le cabinet du ministre de l’Industrie de l’époque, Alain Madelin. Il devient ensuite député de la Marne en 1993 – siège auquel il a toujours été réélu depuis, lui valant le record de longévité à l’Assemblée nationale parmi les députés en exercice –, se spécialisant dans les questions budgétaires et fiscales au fil de ses 30 années de mandat.

Compagnon de route de François Bayrou à l’UDF jusqu’en 2007, il suit Hervé Morin parti fonder le Nouveau Centre, puis rejoint l’Union des démocrates et indépendants (UDI), avant de fonder à l’Assemblée nationale le groupe Libertés et territoires, ancêtre de Liot, en 2018.

“L’inoxydable Don Quichotte de nos finances publiques”

Le député Philippe Vigier, ancien de l’UDI et aujourd’hui au Mouvement démocrate (MoDem), connaît très bien Charles de Courson. Il décrit un député qui fut le premier à parler “du mur des finances publiques” et à vouloir imposer “une règle d’or budgétaire”.

“Je ne comprends pas son combat actuel, lâche-t-il. L’homme de la cohérence, qui faisait de grands discours sur la dette, qui m’a accueilli à la commission des Finances… je suis abasourdi. Il est en train de se perdre dans une manœuvre politicienne dont il sait très bien qu’elle n’a aucun avenir. J’ai l’impression qu’il s’est fait enfumer dans un truc qui le dépasse.”

“Que s’est-il passé pour que vous, l’inoxydable Don Quichotte de nos finances publiques, ayez renoncé à ce que vous avez toujours défendu ?”, lui a d’ailleurs lancé la présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, lors de l’examen en commission de la proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites. “Charles de Courson a fait toute sa carrière au centre droit et est en train de se transformer en Che Guevara de la Marne”, avait raillé, quelques minutes plus tôt, le député Alexandre Vincendet (Les Républicains).

“Tous ces commentaires me laissent de marbre. Les attaques personnelles sont là pour pallier la carence des arguments sur le fond”, répond Charles de Courson, un brin agacé de devoir s’expliquer sur ce que ses opposants pointent comme des incohérences. “Je n’ai absolument pas changé, je suis toujours attaché à la rigueur budgétaire. Bien sûr qu’il faut réformer les retraites, mais pas comme ils l’ont fait”, assène-t-il.

“Certains feignent de ne pas le connaître”, estime le député Bertrand Pancher, camarade de Charles de Courson de longue date et président du groupe Liot au Palais Bourbon. “Il est autant attaché à la rigueur budgétaire qu’au sens de la justice et au dialogue. Il n’a jamais indiqué qu’il ne souhaitait pas aboutir à un équilibre. Ce qu’il attaque, c’est la méthode et l’injustice sociale de cette mesure”, précise-t-il.

Issu d’une famille de résistants

La majorité présidentielle est d’autant plus gênée qu’il est compliqué pour elle de disqualifier Charles de Courson de la même manière qu’elle le fait avec la Nupes. Le député de la Marne ne s’est rendu coupable d’aucune invective, ni d’aucune tentative d’obstruction. Il ne “bordélise” pas l’Assemblée nationale. Il attaque la réforme des retraites et les procédures utilisées par le gouvernement avec des arguments techniques et de fond.

“Charles de Courson est une personnalité que la plupart des parlementaires craignent et respectent parce qu’il est un expert hors norme des finances publiques et que sa parole est d’or, décrit Bertrand Pancher. Il brille par sa technicité depuis longtemps. Je ne vois pas de figure comparable.”

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“Il y a toujours une grande précision dans ses questions, personne ne peut le mettre en défaut. Ses opposants rencontrent souvent un mur de connaissances sur lequel ils se brisent”, ajoute Éric Coquerel, pour qui Charles de Courson est “un député qui fait honneur à sa fonction”.

“Il est capable de mettre en difficulté tous les ministres de la République”, reconnaît de son côté Philippe Vigier, qui continue de louer un député “brillant, rapide” et “bosseur invétéré, qui se consacre 100 heures par semaine à son mandat”.

Tous voient également en lui un esprit libre. Un député n’hésitant pas à s’opposer à son propre camp pour défendre ses convictions. Déjà en 2006, il fait partie des onze élus de droite à voter la motion de censure contre le gouvernement de Dominique de Villepin. En 2015, alors que la droite y est favorable, il s’oppose à la déchéance de nationalité proposée par François Hollande après les attentats du 13-Novembre. Et en 2019, il s’illustre en prenant position contre la loi anticasseurs, qu’il qualifie alors de “dérive complète”, estimant qu’avec un tel texte, “on se croit revenus sous le régime de Vichy”.

“Mon indépendance d’esprit, c’est une tradition familiale, explique Charles de Courson. Mon père, Aymard de Courson, a été résistant pendant la Seconde Guerre mondiale et mon grand-père maternel, Léonel de Moustier, fait partie des 80 députés qui ont refusé de donner les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Il a dit à ceux qui l’avaient félicité : ‘Il m’a fallu beaucoup plus de courage pour voter contre les pleins pouvoirs à Pétain que pour me battre dans les semaines des combats de juin 1940.’ Ce qu’on vit actuellement, ce n’est rien par rapport à ce qu’il a pu vivre”, raconte-t-il, des sanglots dans la voix, comme à chaque fois qu’il évoque ce souvenir familial.

Charles de Courson, qui se décrit lui-même comme “un vieux célibataire sans enfants”, promet de poursuivre le combat contre la réforme des retraites et la défense de la démocratie quoi qu’il arrive. Certains de ses détracteurs y voient un député qui a pris goût à la lumière. Lundi 5 juin, il a publié dans Le Monde une tribune cosignée par les députés Bertrand Pancher (Liot), Mathilde Panot (LFI), Boris Vallaud (PS), Cyrielle Chatelain (EELV) et André Chassaigne (PCF) appelant la présidente de l’Assemblée nationale à laisser vivre sa proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites et à renoncer à un “scénario, cousu de fil blanc, écrit (…) sous la dictée du président de la République”.

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