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En Iran, les femmes montent désormais à moto, une nouvelle provocation contre le régime

Elles ont pris la tête du mouvement de contestation en cours depuis septembre 2022, elles ont enlevé leur voile, et désormais elles montent à moto : en Iran, de plus en plus de femmes bravent l’interdiction qui leur est faite de conduire des deux roues comme un nouveau signe de défiance envers le régime. Sur les réseaux sociaux, elles se mettent en scène, et en ont fait “un combat pour les droits civiques” dit notre Observatrice. 

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Avant la révolution islamique de 1979, les Iraniennes étaient autorisées à conduire des motos, mais c’est depuis devenu une zone grise sur le plan juridique. La loi ne stipule aucune interdiction absolue pour les femmes de détenir un permis de conduire une moto, mais il n’y a pas non plus de texte garantissant ce droit aux femmes. Dans les faits, les autorités iraniennes ont toujours refusé de délivrer des permis de conduire aux femmes.

La situation est ubuesque : des avocats et des militants iraniens soulignent que les femmes sont autorisées à conduire tous les autres types de véhicules en Iran, et sont aussi autorisées à monter à moto en tant que passagères. 


Il était rare de voir des femmes conduire des motos dans les rues il y encore un an, mais le phénomène est en train de prendre de l’ampleur dans les grandes villes, en particulier dans la capitale Téhéran. C’est ce dont témoignent des images diffusées sur les réseaux sociaux et envoyées par nos Observateurs en Iran. Ce mouvement s’inscrit clairement dans la suite de la contestation démarrée au lendemain de la mort de Mahsa Amini, le 13 septembre 2022, la plus massive de l’histoire de la République islamique et qui voit les femmes imposer leur liberté, notamment celle de ne plus porter le voile obligatoire. 

“J’ai l’impression d’avoir enfin une ‘existence normale’ dans la rue.”

Nazanin (pseudonyme) est une jeune iranienne qui se rend tous les jours à son travail en moto.

J’ai commencé à vouloir faire de la moto il y a quinze ans lorsque j’étais adolescente, mais à l’époque, ce n’était pas possible. Cependant, il y a cinq ans, j’ai lu un article sur une Iranienne qui avait fait le tour du monde à moto et, coïncidence, au même moment, j’ai vu une femme dans notre quartier qui conduisait une belle moto jaune. C’était la première fois que je voyais une femme à moto en Iran et je me suis dit : pourquoi pas moi ?


J’ai emprunté une moto à un ami et je me suis entraînée à conduire dans notre rue. Au bout de cinq mois, je m’en suis achetée une.

Ma famille n’a pas apprécié, mon père et mon mari avaient peur que la police m’arrête, comme je n’ai pas de permis. Au début, ils pensaient que je ne l’utilisais que le week-end pour m’amuser, mais ils ont vu que je la prenais tous les jours. Ils ont fini par accepter que je sois une femme adulte consciente des risques. C’est mon droit d’utiliser un mode de transport que toutes les femmes du monde sont autorisées à utiliser, même s’il n’est pas légal dans ce pays. 

J’ai toujours eu beaucoup de réactions quand je circulais en moto, et je dirais qu’elles étaient positives et encourageantes dans 80 % des cas. Mais depuis que les manifestations à la suite de la mort de Mahsa Amini ont commencé, j’ai l’impression d’avoir enfin une ‘existence normale’ dans la rue. Je reçois beaucoup moins de réactions, positives ou négatives. Les gens m’ont acceptée comme quelque chose de normal, c’est incroyable. La preuve en est qu’au début des manifestations, j’entendais souvent le slogan “Femme, Vie, Liberté” à mon passage, et désormais je les entends beaucoup moins.

“À moto, je m’habillais en garçon pour ne pas éveiller les soupçons”

Je continue néanmoins d’avoir peur d’être arrêtée donc j’emprunte des routes où la police est moins susceptible de se trouver. En cinq ans, je n’ai été arrêtée que deux fois. Étrangement, les policiers m’ont à chaque fois demandé mon permis de conduire, comme si les femmes avaient le droit d’en avoir un ! La première fois, le policier m’a demandé les papiers du véhicule et l’assurance que j’avais et m’a donné une contravention parce que mon ami derrière moi ne portait pas de casque. La deuxième fois, je crois que le policier voulait surtout me draguer, il m’a laissée repartir au bout de quelques minutes !  

Je me suis longtemps habillée comme un garçon pour ne pas éveiller les soupçons. D’un côté, c’était mieux parce que je me sentais libre, mais d’un autre côté, je trouvais cela plus dangereux : quand les autres conducteurs voient que je suis une fille à moto, ils se comportent beaucoup mieux, mais lorsqu’ils pensent que je suis un homme, ils conduisent comme des fous.

D’après ce que je vois, les femmes ne font pas de la moto pour le plaisir. Je vois beaucoup de femmes qui l’utilisent vraiment comme moyen de transport pour aller au travail ou faire des courses. Le nombre de femmes à moto a progressivement augmenté ces dernières années, mais depuis le début des manifestations, je vois beaucoup plus de femmes à moto dans les rues. C’est un symbole de courage.

Je pense que c’est comme le hijab obligatoire. Beaucoup de femmes ne voulaient pas le porter, mais elles n’osaient pas l’enlever. Mais après les manifestations de l’année dernière, de nombreuses femmes ont trouvé le courage d’enlever le hijab islamique. Il en va de même pour la moto : de nombreuses femmes voulaient en conduire une et ont désormais le courage de le faire. C’est le même combat pour nos droits civiques.

Depuis l’année dernière, j’essaie d’être vue dans la rue, je me prends en photo et je les publie sur les réseaux sociaux, et j’insiste pour me rendre à mon bureau en moto tous les jours. C’est mon combat quotidien pour mes droits. 

Selon la loi iranienne, conduire une moto sans permis est passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à deux mois et jusqu’à huit mois en cas de récidive. Il n’y a cependant eu que très peu de cas de femmes poursuivies pour avoir conduit une moto en Iran.

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