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En Côte d’Ivoire, une lutte sans fin contre les cliniques illégales

de notre correspondant à Abidjan – La Côte d’Ivoire mène un combat contre les cliniques clandestines, ces établissements qui, en général, ne disposent pas de documents légaux pour exercer ou de personnels qualifiés. Le gouvernement a mis en place, il y a plus de six mois, l’opération “Zéro clinique illégale d’ici 2025” pour mettre un terme à leur expansion. À ce jour, plus de 80 % des structures exercent toujours sans autorisation ni aucun respect des normes en vigueur. Reportage.

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Le décès était “évitable”. C’est ce qu’a expliqué un agent du ministère ivoirien de la Santé, après la mort d’une femme, le 15 avril, dans la commune d’Abobo, dans le nord d’Abidjan, des suites d’un accouchement difficile. Elle avait été prise en charge dans une clinique clandestine qui a depuis été fermée par les autorités.

Cet événement dramatique illustre un problème récurrent que connaît la Côte d’Ivoire depuis des lustres : les cliniques privées clandestines. Sur le territoire ivoirien, elles seraient environ 1 700, selon le ministère de la Santé, à exercer sans que la loi ne les y autorise. “C’est un véritable danger pour la santé des populations”, s’indigne le docteur Joseph Boguifo, ancien président de l’Association des cliniques privées de Côte d’Ivoire (ACPCI). “S’il y a un seul endroit où on ne devrait pas s’amuser, un seul endroit où on ne doit pas être léger, un seul endroit où on doit être rigoureux à 300 %, c’est le secteur de la santé”, martèle-t-il.

Malgré les mesures prises par l’État pour réglementer le secteur, des cliniques illégales continuent de voir le jour. Ces établissements n’ont généralement pas de documents légaux pour exercer. Leur personnel n’est pas qualifié et leur matériel est rarement adéquat.

Le ministère de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Couverture maladie universelle a initié, en octobre 2022, l’opération
Le ministère de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Couverture maladie universelle a initié, en octobre 2022, l’opération “Zéro clinique illégale d’ici à 2025”. © Ange Nomenyo, France 24

Le 17 mars, dans la ville d’Aboisso, à 80 km d’Abidjan, une autre femme enceinte est décédée après avoir subi une césarienne à risque dans une clinique privée de la ville. Deux semaines avant sa mort, l’établissement avait pourtant reçu l’ordre des autorités ivoiriennes de fermer le bloc opératoire parce qu’il n’était plus fonctionnel. “Le décès ne s’est pas produit sur la table d’opération… C’est quelques jours après que des complications ont provoqué le drame”, a indiqué un responsable de la clinique, qui a définitivement fermé les portes de l’établissement.

Ce type d’événements a poussé les autorités ivoiriennes à agir. Pour mettre un terme à l’expansion de ces structures clandestines, le gouvernement a lancé, en octobre 2022, l’opération “Zéro clinique illégale d’ici 2025”, accompagnée d’une campagne de sensibilisation d’une durée de deux mois. Depuis, l’objectif est de fermer tous les établissements sanitaires qui exercent sans autorisation et sans aucun respect des normes en vigueur. “Évoluer dans la légalité signifie avoir un arrêté portant ouverture et exploitation, délivré par le ministre de la Santé. Les établissements sanitaires qui n’ont pas d’autorisation ou dont les autorisations ne sont pas à jour sont illégaux”, explique la docteure Marie-Josèphe Bitty, directrice des établissements privés et des professions sanitaires au ministère. Selon elle, une opération d’assainissement s’impose au regard du nombre important d’établissements sanitaires privés qui exercent dans l’illégalité et qui mettent en danger la santé des populations.

L’opération
L’opération “Zéro clinique illégale d’ici 2025” a commencé par une étape de sensibilisation, puis est entrée dans la phase de répression, c’est-à-dire le démantèlement, à partir du 9 décembre 2022. Une clinique clandestine fermée à Grand Lahou, dans le sud de la Côte d’Ivoire. © Ange Nomenyo, France 24

Les contrôles de routine se sont ainsi multipliés dans les différentes régions de la Côte d’Ivoire depuis le lancement de cette opération. Le 3 avril, France 24 a ainsi suivi sur le terrain une équipe de trois agents du ministère de la Santé. La descente musclée vise ce jour-là une clinique privée du quartier de Zuénoula, dans la ville de Bonoua, à 60 km d’Abidjan. Le docteur Ahoussi Bozou et ses deux collègues, vêtus comme lui de gilets orange, trouvent deux infirmières dans l’établissement comprenant trois chambres d’hospitalisation et une salle d’accouchement. Dans cette dernière, la table d’opération n’est visiblement pas en bon état. À la demande des agents, l’une des deux femmes en blouse blanche présente des documents ne correspondant pas à ceux exigés. Les agents de santé ordonnent alors la fermeture immédiate de l’établissement : “Pour être en règle, il aurait fallu qu’elle nous présente une attestation de conformité signée par le ministère de la Santé. Sans cette attestation, la clinique n’a pas le droit d’exercer”, explique le chef des agents.

Circonstance aggravante, la fouille de l’établissement permet de trouver des médicaments non répertoriés, fournis, semble-t-il, par un délégué médical en échange du versement d’une somme d’argent, en guise de commission. Les agents de santé saisissent alors les médicaments, qu’ils estiment faux. Ils ajoutent que les délégués médicaux n’ont pas le droit de vendre des médicaments aux cliniques et aux établissements sanitaires privés. Les substances qu’ils mettent à la disposition des cliniques sont en réalité des échantillons de produits non testés, susceptibles de nuire à la santé des patients. “Ceux qui commettent de telles pratiques sont passibles d’une peine d’emprisonnement de 20 ans et d’une amende de 10 millions de francs CFA”, précise le chef des agents de santé.

Le trafic de faux médicaments sévit en Côte d'Ivoire. Les autorités intensifient leur lutte contre cette activité criminelle.
Le trafic de faux médicaments sévit en Côte d’Ivoire. Les autorités intensifient leur lutte contre cette activité criminelle. © Ange Nomenyo, France 24

Selon les chiffres officiels, la Côte d’Ivoire compte environ 2 000 cliniques et établissements privés sur son territoire, dont seulement 280 sont autorisés à exercer. Pour le sociologue ivoirien Albert Yao, cette problématique résulte du fait que l’offre de soins médicaux est assez faible : “D’un point de vue sociologique, les cliniques illégales comblent le vide en offre de soins de par leur proximité et les coûts pratiqués, mais surtout, dans ces cliniques dites illégales, la réception des patients est immédiate. Ces cliniques sont disponibles et ouvertes toute la journée, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, contrairement aux structures publiques. Il serait plus judicieux d’amener les cliniques illégales à la légalité plutôt que de les fermer”, conclut le sociologue.

À voir aussi L’autisme encore tabou en Côte d’Ivoire

Depuis le lancement de l’opération “Zéro clinique illégale d’ici 2025”, une centaine d’établissements ont été fermés sur le territoire ivoirien. Les opérations de démantèlement, qui se poursuivent, vont désormais cibler les quartiers périphériques de la ville d’Abidjan, et la région de l’Agnéby-Tiassa, dans le sud-est de la Côte d’Ivoire.

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