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“On n’a plus le temps” : à six mois de la COP28, la crainte d’un “sommet des énergies fossiles”

Les représentants de près de 200 pays se réunissent à Bonn, en Allemagne, à partir de lundi, pour préparer la COP28, prévue en décembre aux Émirats arabes unis. Une répétition générale pendant laquelle Sultan al-Jaber, le président du sommet et PDG d’une compagnie pétrolière, devra répondre à l’inquiétude des défenseurs de l’environnement de voir cette COP devenir “une convention des énergies fossiles”. 

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Le président d’une des plus importantes compagnies pétrolières au monde peut-il mener à bien des négociations cruciales sur le climat ? La COP28, prévue du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï, aux Émirats arabes unis, est censée être l’un des sommets les plus importants dans la lutte contre le dérèglement climatique. Pour la première fois, les États doivent y effectuer un “bilan mondial” des mesures prises depuis l’adoption de l’Accord de Paris en 2015. Autrement dit, regarder ce qui a déjà été fait pour limiter le réchauffement de la planète à +1,5 °C depuis l’ère industrielle.

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C’est “l’opportunité pour notre génération de corriger la trajectoire sur laquelle nous sommes”, estimait début mai le secrétaire exécutif de la Convention climat des Nations unies, Simon Stiell, alors que les scientifiques ne cessent de dénoncer des émissions de gaz à effet de serre qui continuent d’augmenter et des mesures insuffisantes pour les réduire. 

Pourtant, à six mois de l’échéance, de nombreux défenseurs de l’environnement craignent que cette COP28 ne soit pas à la hauteur de l’urgence climatique. Dans leur viseur : le président du sommet, l’émirati Sultan al-Jaber, ministre de l’Industrie des Émirats arabe unis – pays dont l’économie repose principalement sur l’or noir – et, surtout, PDG de la compagnie pétrolière nationale d’Abou Dhabi (Adnoc).

À lire aussi : COP28 : des Émirats arabes unis pris dans leurs contradictions sur le climat

“Les combustibles fossiles sont responsables de 90 % des émissions mondiales de CO2. Notre dépendance au pétrole, au gaz et au charbon est l’une des premières causes du dérèglement climatique”, rappelle Louis-Maxence Delaporte, analyste énergie au sein de l’ONG Reclaim Finance, qui documente les impacts du secteur financier sur le climat. “On n’a plus le temps de rester bloqués sur les négociations à propos les énergies fossiles. Il faut en sortir le plus rapidement possible pour aller vers le renouvelable.”

“Déjà à la COP27, en Égypte, plus de 600 lobbyistes du pétrole et du gaz étaient présents – un nombre inédit. Et aujourd’hui, on en place un à la tête du sommet”, dénonce Elise Buckle, activiste pour le climat, fondatrice de l’association She changes climate. “Comment être certains que Sultan al-Jaber privilégiera la planète et pas ses intérêts privés et ceux de son pays ?”, souligne-t-elle.

En 2022, la COP27 s’était terminée sur un bilan en demi-teinte. Les dirigeants avaient, certes, signé un accord historique sur l’aide aux pays pauvres affectés par le changement climatique, mais la question de la réduction de l’usage des énergies fossiles avait à peine été mentionnée dans le texte final. Le résultat, selon les ONG, de la présence de ces lobbys à la table des discussions.

Des appels au retrait

Face à ces inquiétudes et alors que s’ouvre lundi, à Bonn, en Allemagne, une session de négociations sur le climat pour préparer la COP28, plusieurs voix s’élèvent pour appeller au retrait de Sultan al-Jaber de la présidence. Parmi eux, une centaine d’élus du Congrès américain et du Parlement européen ont adressé une lettre ouverte, le 23 mai, au président américain Joe Biden, à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et au secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres. “Nous vous exhortons à faire pression pour que les Émirats arabes unis renoncent à la nomination de Sultan al-Jaber”, écrivent-ils, faisant part de leur “profonde inquiétude”.

Dans cette missive, les élus demandent également de limiter “l’influence des industries polluantes” dans ces réunions climatiques, déplorant cette proéminence des lobbys. “Nous ne pouvons pas laisser des intérêts particuliers créer davantage d’obstacles dans la course contre le changement climatique”, a plaidé Sheldon Whitehouse, l’un des sénateurs américains les plus engagés sur les questions climatiques, sur Twitter. 


D’autant plus, abonde Louis-Maxence Delaporte, que “pour avoir une chance d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, le monde de la finance – notamment les banques – doivent se mettre en ordre de marche et arrêter de financer les énergies fossiles”. Depuis 2015, les 60 plus grandes banques du monde ont fourni 5 500 milliards de dollars (5 040 milliards d’euros) aux entreprises productrices d’énergies fossiles, selon les calculs de la coalition d’ONG Banking on climate chaos, dont fait partie Reclaim Finance. Pour la seule année 2022, leur décompte atteint 668 milliards de dollars (616 milliards d’euros). Parmi elles, 11 grandes banques mondiales ont d’ailleurs financé à hauteur d’1,5 milliards de dollars Adnoc, la compagnie pétrolière de Sultan Al-Jaber, révèle la coalition.

À lire aussi : Les projets fossiles, des “bombes climatiques” en pleine prolifération

“Les énergies fossiles mieux représentées que les femmes”

De leur côté, une vingtaine de femmes politiques et activistes publient lundi une lettre ouverte, réclamant la nomination d’une co-présidente à la COP 28, pour siéger aux côtés de Sultan al-Jaber. Une façon, selon elles, de régler deux problèmes à la fois en contrebalançant le pouvoir de l’Émirati, tout en assurant une meilleure représentation des femmes dans les négociations.

“Nous demandons aux Émirats arabes unis d’opter pour un modèle pionnier de co-présidence, avec un homme et une femme à la tête de la COP28, et de conclure un accord qui place l’autonomie des femmes au cœur de ses préoccupations”, explique ainsi Elise Buckle, à l’origine de l’initiative. Parmi les noms évoqués pour briguer ce poste, celui de la ministre émiratie du Changement climatique et de l’Environnement, Mariam bint Mohammed Almheiri, longtemps présentée comme favorite pour la présidence.

“Les femmes sont les premières victimes du dérèglement climatique”, rappelle Elise Buckle, s’appuyant sur une étude de l’ONU publiée en 2022 montrant que les femmes ont 14 fois plus de risques de mourir dans des catastrophes climatiques. “Pourtant, elles sont complètement absentes de la table des négociations. Aujourd’hui, les énergies fossiles ont eu plus de place qu’elles”. Depuis la première COP en 1995, seules cinq femmes en ont été présidentes.

“Si nous voulons lutter ensemble contre le changement climatique et ne pas transformer les négociations sur le climat en une convention sur les combustibles fossiles, commençons par donner la priorité aux personnes les plus touchées, et non à celles qui profitent d’un statu quo et d’un manque de courage sur les énergies fossiles”, termine-t-elle.

Miser sur la capture du CO2

La nomination du ministre émirati pour présider la COP28 avait déjà été vivement critiquée à son annonce en janvier. Interrogé par l’AFP en avril, Sultan al-Jaber s’était défendu en rappelant qu’il était aussi le fondateur de Masdar, géant national émirati spécialisé dans les énergies renouvelables, et il avait assuré que son pays travaillait à sa transition énergétique depuis “plus de 20 ans”.

Mais depuis, plusieurs de ses déclarations ont renforcé les inquiétudes des défenseurs de l’environnement. Alors que le journal britannique The Guardian a révélé début avril qu’Adnoc prévoit d’augmenter considérablement ses capacités de production de pétrole et d’hydrocarbures, Sultan al-Jaber, de son côté, ne cesse de répéter, à chaque rencontre diplomatique, que le pétrole est toujours “indispensable à l’économie mondiale”.

Plutôt qu’envisager une sortie progressive des énergies fossiles, ce dernier préfère ainsi miser sur les technologies de captage et de stockage du CO2. Des technologies coûteuses, avec des conséquences difficiles à évaluer sur le long terme, et qui ne sont, pour le moment, pas utilisables à grande échelle.

“Si nous nous concentrions sur la réduction des émissions de CO2, tout en investissant dans les énergies renouvelables et dans le déploiement de nouvelles sources d’énergie, je pense que nous serions dans une bien meilleure situation”, a-t-il plaidé auprès du Guardian. “Mais pour y parvenir, nous devons cesser de pointer du doigt. Nous devons mettre fin à cette polarisation. Nous devons nous concentrer sur l’optimisme, la positivité et la collaboration harmonieuse”, a-t-il appelé, arguant qu’un “insider” de l’industrie pétrolière est le mieux placé pour la faire changer.

“Aujourd’hui, c’est la crédibilité même des COP qui est en jeu”, rétorque Elise Buckle. “Si le climat est vraiment la priorité de Sultan al-Jaber, il doit joindre les gestes à la parole et se retirer de la gouvernance d’Adnoc ou de la présidence du sommet.”

“Al-Jaber a deux semaines pour sauver la COP28”, estime de son côté Alex Scott, du groupe de réflexion sur le climat E3G. “Il doit arriver à Bonn avec un plan d’action qui réponde aux demandes du rapport de synthèse du Giec.” Prévue jusqu’au 15 juin, cette répétition générale laisse donc quinze jours à Sultan al-Jaber pour convaincre et poser les jalons des prochaines négociations.

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