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Malade de sa “démocratie”, le Koweït tente de sortir de l’enlisement

Les électeurs koweïtiens sont appelés aux urnes, mardi, pour choisir leurs députés à l’occasion du septième scrutin législatif en un peu plus d’une décennie. Considéré comme un laboratoire de la démocratie dans une région du Golfe dominée par des régimes autoritaires, le Koweït est régulièrement enlisé dans de profondes crises politiques qui paralysent le fonctionnement des institutions et entravent les réformes économiques. 

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La valse des Parlements et des gouvernements ne semble jamais vouloir s’arrêter au Koweït. Pour la septième fois depuis 2012, les électeurs de ce richissime État du Golfe sont à nouveau appelés aux urnes, mardi 6 juin, pour choisir leurs députés.

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Car c’est l’une des particularités de ce petit émirat du nord de la péninsule arabique : contrairement aux pays de cette région dominée par des régimes autoritaires, le Koweït est doté d’un système parlementaire depuis 1962.

“C’est de loin le régime le plus participatif de la péninsule arabique avec deux piliers : le Parlement et l’État”, résume sur l’antenne de France 24 Alexandre Kazerouni, maître de conférences à l’École normale supérieure.

Si le pouvoir reste concentré entre les mains de la famille Al-Sabah, qui règne sur le Koweït depuis 250 ans, les députés, théoriquement élus pour quatre ans, disposent de larges prérogatives, n’hésitant pas à demander des comptes à des ministres appartenant à la famille royale accusés de mauvaise gestion, voire de corruption.

>> À lire aussi : Manifestation au Koweït : “La population n’en peut plus de la corruption”

Mais ce bras de fer incessant entre l’exécutif et les parlementaires conduit à une forte instabilité et la vie politique koweïtienne est ponctuée ces dernières années par des dissolutions à répétition de l’Assemblée. La dernière en date remonte au mois d’avril et fait suite à l’invalidation par la Cour constitutionnelle du précédent scrutin en raison d’irrégularités.

La Cour s’était alors prononcée en faveur du rétablissement du précédent Parlement, issu des élections de 2020. Point commun de ces deux scrutins législatifs : la victoire de l’opposition, qui, pendant une décennie, avait boycotté les votes pour dénoncer les ingérences de l’exécutif, aux mains de la famille royale.

Terrain d’affrontement 

Au Koweït, les partis politiques ne sont ni interdits ni reconnus légalement, mais de nombreux groupes, parmi lesquels les islamistes sunnites, agissent comme des formations politiques et tentent d’arracher des compromis.

“Au sein du Parlement, il n’y a pas de partis clairement identifiés mais trois grands blocs représentant les intérêts de trois catégories sociales”, décrypte Alexandre Kazerouni. “Sur les 50 sièges du Parlement, 16 sont d’abord réservés aux ministres du gouvernement. Il y a ensuite un bloc représentant la classe moyenne et les familles d’hommes d’affaires”, issus des grandes familles de marchands du début du XXe siècle, “qui tiennent des ministères, en solidarité avec la classe moyenne”.

“Enfin, il y a un troisième bloc fabriqué dans les années 1970-80 par la famille régnante et composé de Saoudiens naturalisés très conservateurs, dont le rôle est d’affaiblir le deuxième bloc”, poursuit l’expert.

Dans ce jeu de pouvoir complexe, la question de la répartition de la manne pétrolière est un sujet récurrent de querelles. Membre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), l’émirat produit environ 3 millions de barils par jour. Des revenus colossaux qui permettent à l’État de ne pas percevoir d’impôts et de fournir quasi gratuitement les services publics essentiels.

Mais dans un contexte de difficultés économiques liées aux fluctuations des prix de l’or noir et aux conséquences du Covid-19, les tensions se sont accentuées entre la famille royale et le reste de la population.

En 2022, “les législateurs avaient notamment soumis un projet de loi pour que l’État prenne à sa charge les prêts à la consommation des citoyens, un plan très coûteux dont le gouvernement ne voulait pas”, rappelle Nicolas Keraudren, correspondant régional de RFI à Dubaï.

“Les blocages du Parlement sont aussi liés à la capacité du reste de la population à s’opposer aux volontés de la famille régnante, avec en cœur du débat la question de la corruption et de l’appropriation du domaine public, qui a pris des proportions folles dans les autres pays de la péninsule”, analyse Alexandre Kazerouni.

Immobilisme

Cependant, cet affrontement entre factions rivales commence à lasser les Koweïtiens. “Il y a une vague de frustration car la population voit les mêmes scénarios se répéter. Cela pourrait conduire à une forte abstention, soit par désespoir, soit pour exprimer une opposition silencieuse et pacifique à certaines pratiques politiques”, assure Abdulaziz al-Anjari, le directeur du think-tank Reconnaissance, basé au Koweït.

Une fatigue électorale qui se traduit par le nombre de candidats inscrits, le plus faible pour des législatives en plus de 20 ans. Au total, 207 candidats, dont 13 femmes, sont en lice.

“Ce qui se joue dans ces élections, c’est aussi la capacité de ce régime participatif à survivre dans un environnement régional où la participation politique se réduit partout au nom de la réforme”, estime Alexandre Kazerouni.   

Craignant une abstention massive, les autorités ont déployé de grandes banderoles dans les rues de la capitale pour appeler les citoyens à se rendre aux urnes. “Il faut qu’on se réveille face à cette grande frustration”, estime auprès de l’AFP la militante et professeure d’université Cheikha al-Jassem, qui déplore une “paralysie” de la vie politique freinant le développement du pays, malgré des “promesses” du pouvoir.

L’instabilité politique du pays a en effet largement refroidi les velléités des investisseurs étrangers. En quinze ans, le Koweït a reculé du deuxième au quatrième rang parmi les économies du Golfe, note le Figaro.

Ces tensions entre exécutif et Parlement ont aussi entravé les réformes dont cette économie peu diversifiée a besoin. Un immobilisme qui tranche avec ses puissants voisins, les cinq autres membres du Conseil de coopération du Golfe.

Également riches en hydrocarbures, l’Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis se sont lancés ces dernières années dans des projets tous azimuts pour diversifier leurs économies et attirer les investisseurs.

>> À voir aussi : Bahreïn : une modernité sans concession

Face au dynamisme de ses concurrents, l’émir Nawaf al-Ahmad al-Jaber al-Sabah, âgé de 85 ans et qui s’est mis en retrait de la vie politique au profit du prince héritier, peine à offrir une vision d’avenir pour le Koweït.

Avec AFP

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