Visé par un mandat d’arrêt français pour des faits de corruption et d’un détournement massif de fonds publics, Riad Salamé, le puissant chef de la Banque centrale libanaise, s’est vu confisqué ses passeports par la justice libanaise et a interdiction de quitter le Liban.
Ses détracteurs disent de lui qu’il est l’un des principaux responsables de la crise sans précédent que traverse son pays. La justice libanaise a saisi mercredi 24 mai les passeports du puissant gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé, visé par un mandat d’arrêt émis par la justice française, et lui a interdit de quitter le territoire, a indiqué à l’AFP une source judiciaire.
Le gouverneur de la BDL, très lié à la classe politique, est soupçonné de s’être constitué un riche patrimoine immobilier et bancaire en Europe par le biais d’un montage financier complexe et un détournement massif de fonds publics libanais.
Convoqué à Paris en vue d’une mise en examen le 16 mai, il ne s’était pas présenté à l’interrogatoire et fait depuis l’objet d’un mandat d’arrêt émis par une juge chargée des investigations en France.
Le Liban avait reçu la semaine dernière la notice rouge d’Interpol, basée sur ce mandat d’arrêt, mais il n’extrade pas ses ressortissants.
Riad Salamé a comparu mercredi devant l’avocat général à la Cour de cassation, Imad Kabalan, qui l’a informé des charges pesant contre lui sur la base de la notice, notamment le “détournement de fonds” et le “blanchiment d’argent”.
Le magistrat lui a interdit de quitter le territoire libanais et a décidé de saisir ses deux passeports, libanais et français, selon cette même source.
Une manœuvre pour échapper à la justice française ?
Les décisions du juge Kabalan pourraient constituer une manœuvre pour se dérober aux décisions de la justice française, a affirmé à l’AFP l’avocat Karim Daher, engagé dans la lutte contre la corruption.
“Quand on lui interdit de voyager, on lui interdit de comparaître devant la justice étrangère”, estime-t-il. “Il est par conséquent l’otage du pouvoir libanais corrompu, qui n’a aucun intérêt à ce que les secrets dont il est le gardien soient dévoilés”, explique l’avocat.
Au cours de l’interrogatoire, Riad Salamé, 72 ans, a “nié toutes les accusations le visant”, répétant avoir amassé sa fortune lorsqu’il travaillait dans la banque d’investissements américaine Merrill Lynch avant de prendre la tête de la BDL en 1993. Il a en outre demandé à “être jugé au Liban”.
Le juge Kabalan a demandé à la justice française de lui remettre le dossier de l’affaire. S’il conclut que les accusations de blanchiment d’argent et d’enrichissement illicite sont fondées, Riad Salamé sera jugé dans son pays, a indiqué la source judiciaire.
“La justice libanaise a montré qu’elle n’était pas indépendante, et qu’elle était inféodée aux politiciens, à l’exception d’une poignée de juges”, a déploré Karim Daher.
Également dans le viseur de l’Allemagne
Selon une autre source judiciaire, le procureur général libanais a été informé mercredi par une délégation de l’ambassade d’Allemagne que la procureure générale de Munich avait également issu un mandat d’arrêt contre Riad Salamé et qu’Interpol en serait notifié.
Depuis que la juge française a émis un mandat d’arrêt contre Riad Salamé, les principaux responsables libanais gardent un silence embarrassé sur cette affaire.
Quelques ministres et des députés d’opposition ont réclamé que le gouverneur, dont le mandat expire en juillet, soit démis de ses fonctions.
Riad Salamé jouit de bonnes relations avec une grande partie de la classe politique, qui défend sa politique monétaire dans un pays qui connaît depuis l’automne 2019 une grave crise économique.
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En mars 2022, la France, l’Allemagne et le Luxembourg avaient gelé 120 millions d’euros d’avoirs libanais soupçonnés d’appartenir à Riad Salamé. Et depuis le début de l’année, des juges européens se sont rendus à trois reprises au Liban pour l’interroger, ainsi que ses proches.
La cour d’appel de Paris doit se prononcer le 4 juillet sur la validité de saisies opérées sur le patrimoine immobilier et bancaire en Europe de Riad Salamé, selon des sources proches du dossier.
Autre personnalité libanaise à avoir été visée par un mandat d’arrêt international, Carlos Ghosn, l’ancien patron de l’alliance automobile Renault-Nissan, vit à Beyrouth sans être inquiété depuis sa fuite rocambolesque du Japon fin 2019.
Avec AFP