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Violences sexuelles : l’Église lance une carte d’identité numérique pour rassurer ses fidèles

Secouée par des affaires de violences sexuelles à répétition, l’Église de France a annoncé mercredi la mise en place d’une carte d’identité professionnelle numérique pour ses évêques, prêtres et diacres d’ici la fin de l’année pour les empêcher de célébrer en cas de sanction et rassurer les fidèles. Le dispositif interroge.  

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L’annonce fait l’effet d’une petite révolution au sein de l’Église catholique. C’est même un “changement de culture dans l’Église”, a lancé Alexandre Joly, évêque de Troyes. Après des siècles d’opacité, la Conférence des évêques de France (CEF) a décidé d’entrer dans l’ère de la transparence, en annonçant, mercredi 10 mai, qu’elle dotera prochainement les diacres, prêtres et évêques d’une carte d’identification numérique. Le document, délivré par l’autorité ecclésiastique de la taille d’une carte bancaire, pourra attester que son détenteur est bien en capacité de célébrer la messe et dispose de la faculté de confesser. Autrement dit, que le membre de l’Église n’est pas sous le coup d’une accusation d’agression sexuelle.

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En flashant le QR code, l’outil de contrôle délivrera plusieurs informations selon un code couleur : un bandeau vert si le prêtre ne possède pas de restrictions à célébrer ou confesser. De l’orange en cas de restrictions. La couleur orange ne veut pas nécessairement dire que son détenteur est agresseur, a prévenu Mgr Joly. Il peut aussi simplement s’agir d’un jeune prêtre, ordonné depuis peu et dont le manque d’expérience ne lui permet pas encore de célébrer une messe ou de confesser. Enfin, un bandeau rouge si le détenteur de la carte ne peut ni prêcher ni célébrer, pour les ecclésiastiques déchus de l’état clérical, sans mention de la nature de la sanction.

À lire aussi  Abus sexuels dans l’Église : avec le rapport Sauvé, “il s’agit de regarder le désastre en face”

Une version papier jugée désuète

Cette carte d’identité des prêtres n’est pas nouvelle. Jusqu’ici, les prélats ont toujours disposé d’un “celebret”, un document papier qui permettait de justifier leur profession de prêtre. Mais les évêques français qui jugent aujourd’hui ce système trop facilement “falsifiable (…) et compliqué à mettre à jour” ont donc opté pour une version numérique.


Ce nouveau dispositif de contrôle, décidé en assemblée par les évêques en 2021, s’inscrit dans cadre de la publication du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase). “Il nous a paru indispensable de voir ce que nous pouvions changer (…) pour rendre l’Église sûre” en matière de prévention des violences sexuelles, a expliqué Alexandre Joly, porte-parole de la CEF, lors d’une conférence de presse. Cette mesure vise aussi au “respect” des “victimes (qui) ne peuvent pas comprendre – à juste titre – que quelqu’un qui a posé des actes graves, puisse (…) continuer à célébrer”.

“Une bonne idée dans le contexte actuel”

Pour Christine Pedotti, directrice de l’hebdomadaire Témoignage Chrétien, “le celebret a toujours été utilisé par les prêtes lorsqu’ils étaient en déplacement pour prouver à un autre prêtre qu’ils étaient bien en mesure de co-célébrer une messe, par exemple, explique-t-elle. Mais aujourd’hui, il s’agit d’une version plus moderne qui ouvre une nouvelle fonctionnalité, celle de vérifier que le prêtre n’a pas été suspendu. C’est plutôt une bonne idée dans le contexte actuel qui devrait se révéler assez utile”.


Car des défaillances en la matière ont été dénoncées à maintes reprises par les associations de victimes. “Le phénomène des prêtres que l’on dit ‘gyrovague’, c’est-à-dire suspendus de leurs fonctions et qui continuent de se présenter comme prêtre dans des communautés religieuses, est une pratique régulièrement constatée”, constate Christine Pedotti. L’exemple le plus fragrant demeure le cas des frères Philippe. Marie-Dominique Philippe, condamné en 1957 par le Vatican pour complicité d’agressions sexuelles et son frère Thomas, ont pu tous deux fonder ou cofonder plusieurs communautés religieuses et associations sans être inquiétés car la condamnation de Marie-Dominique était tombée dans l’oubli.

“On demande aujourd’hui aux évêques de gérer plusieurs centaines de prêtres sans vraiment leur donner les moyens de contrôle, abonde Christine Pedotti. Pourtant, le terme épiscopal, qui vient du grec ‘episcopos’ signifie ‘gardien’, ‘surveillant’. Il est donc temps qu’ils disposent d’outils de leur temps pour assurer cette fonction de contrôle qui leur est assignée.”

“L’Église est tombée bien bas”

Dans l’esprit du dispositif, il ne s’agit pas de demander aux fidèles de traquer les hommes d’Église en leur demandant leur pièce d’identité à tout va mais de faire exercer “un moyen de contrôle par un autre prêtre ou un responsable laïc d’une paroisse, afin de vérifier la légitimité de chacun”, poursuit la directrice de publication. D’ailleurs, la très grande majorité des catholiques ignorait jusque-là l’existence de ce celebret. Il y a donc peu de raison qu’ils le réclament à présent”.

Du côté des associations de victimes d’abus sexuels de l’Église catholique, le nouveau dispositif peine à convaincre. “C’est une mesure assez exceptionnelle qui se hisse, à mon sens, dans le top trois des idées les plus débiles de l’Église catholique”, lâche sans ambages François Devaux, ancien président de La parole libérée, une association créée en décembre 2015 à Lyon à l’initiative des victimes de l’aumônier scout du diocèse de Lyon, Bernard Preynat, à l’origine de la démission du cardinal Philippe Barbarin.

“Si l’on en est à devoir flasher des QR code de prêtres pour rassurer les catholiques, c’est que l’Église est tombée bien bas. Il ne s’agit là que d’un effet d’annonce qui montre surtout à quel point le lien de confiance est rompu entre les fidèles et leur hiérarchie, poursuit l’ancien responsable associatif, accablé par l’annonce. Cette nouvelle ineptie est le signe de l’état de désœuvrement de l’Église qui n’a pas compris les reproches qu’on lui fait ou qui ne veut pas les comprendre. En tout cas, cette initiative est très loin des mesures préconisées dans le rapport de la Ciase, conclut François Devaux.

“Un petit moyen insuffisant face à l’ampleur du phénomène”

Parmi les 45 recommandations émises par la Ciase rendues publiques le 5 octobre 2021, il n’est en effet pas fait mention d’une éventuelle carte d’identité numérique. “Je rejoins François Devaux dans l’idée que cette initiative ne répond pas aux demandes émises par la commission. Ce nouveau dispositif reste un petit moyen bien insuffisant face à l’ampleur du phénomène”, renchérit Christine Pedotti. Dans le rapport, il est davantage question de donner plus de place aux laïcs, un plus grand partage du pouvoir. Sur ces questions, l’Église n’a pas apporté de solution et ne répond pas au fond à la seule question qui soit : pourquoi certains prêtres se prennent pour Dieu au point de penser pouvoir disposer du corps des autres ?”

Au-delà de l’aspect religieux, la mesure interroge également sur le plan éthique. L’idée de mentionner une éventuelle condamnation d’un individu sur une carte d’identité n’a pas manqué de faire réagir sur les réseaux sociaux. De nombreux internautes y ont en effet vu une dérive conduisant à une restriction des libertés.

Un dispositif parmi de nombreux autres, assure l’Église

Face aux attaques, l’Église assure que ce dispositif s’inscrit dans un panel de mesures plus large destinées à lutter contre les crimes sexuels “pour nous assurer que nous sommes dans une culture de la clarté et de la bien-traitance, a rappelé jeudi Mgr Rougé, évêque de Nanterre, sur RMC. La priorité des priorités reste l’accompagnement des victimes et la formation des prêtres.”


La conférence des Évêques de France promet que les 18 000 prêtres et diacres recevront leur QR code d’ici la fin de l’année. Les évêques en sont déjà dotés. Parallèlement, chaque diocèse et chaque congrégation religieuse mettra à jour, annuellement, les données concernant ses évêques, prêtres et diacres. Une mise à jour sera immédiate si un prêtre fait l’objet d’une sanction civile ou canonique.

L’Église catholique fait tout de même des progrès parce qu’elle “encourage de plus en plus à libérer la parole, remarque la journaliste. Des cas d’agression ont toujours lieu, mais ils sont désormais dénoncés. La situation d’impunité est en train de changer en France. On ne peut pas en dire autant de l’Italie ou de la Pologne, par exemple. Il reste tant à faire sur cette question en France et dans le monde”.

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