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Avec la fin du “Titre 42”, le Texas dégaine l’artillerie lourde anti-immigration

Les États-Unis mettent fin, jeudi, à une mesure qui permettait de renvoyer la plupart des migrants sans délai et pour raison sanitaire. Au Texas, État frontalier du Mexique, le très droitier gouverneur Greg Abbott dénonce un chaos migratoire en perspective et a décidé de muscler son opération controversée “Lone Star”.

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Des centaines de gardes nationaux, des hélicoptères, des avions militaires et des “soldats spécialement entraînés”. Tel est le dispositif que le gouverneur du Texas, Greg Abbott, a prévu de déployer à la frontière avec le Mexique pour faire face à ce qu’il a appelé le “chaos” migratoire censé survenir avec la fin du “Titre 42”, jeudi 11 mai.

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Ce “Titre 42” désigne une mesure sanitaire invoquée au début de la pandémie de Covid-19, permettant d’expulser sans délai et pour raison sanitaire les migrants franchissant la frontière terrestre des États-Unis… spécifiquement entre le Mexique et le Texas.

“Titre 42” vs Lone Star

La mise au placard de cette réglementation, maintenant que le Covid-19 n’est plus considéré comme une “urgence sanitaire mondiale”, fait craindre, essentiellement à droite de l’échiquier politique, une “déferlante” de migrants venus d’Amérique latine.

Le très trumpiste Greg Abbott se retrouve aux premières loges de ce qu’il qualifie de “tapis rouge déroulé par Joe Biden aux gens du monde entier”. Il prévient depuis plus d’une semaine que des “dizaines de milliers” de migrants n’attendent plus que la fin du “Titre 42” jeudi à 23 h 59 pour franchir à grande enjambée le Rio Grande, frontière naturelle avec le Mexique.

D’où son annonce d’une démonstration de force militaire à partir de jeudi, calibrée pour avoir l’air plus impressionnante que la promesse faite par le Maison Blanche mercredi 10 mai de déployer 1 500 soldats supplémentaires à la frontière.

Surtout, ces nouveaux renforts 100 % texans viennent gonfler les effectifs de la très controversée “Opération Lone Star” mise en place par Greg Abbott au printemps 2021 pour endiguer “la crise migratoire” à la frontière. 

La fin de l’ère “Titre 42” remet sur le devant de la scène médiatique ce programme inédit dans l’histoire récente américaine. Lone Star est l’opération la plus chère de l’histoire du Texas et le plus important déploiement de forces armées par un État américain depuis la guerre civile de 1861, souligne le site d’information Texas Tribune.

Ce n’est cependant pas le premier. Il s’inscrit dans une longue tradition d’initiatives des gouverneurs texans – surtout conservateurs – désireux d’apparaître comme le meilleur rempart face au “danger” migratoire. Il y a ainsi eu les opérations Linebacker en 2005, Rio Grande en 2006, Border Star en 2007 ou encore Strong Safety en 2013. En tout, le Texas a connu neuf programmes en vingt ans pour bouter les “migrants illégaux” hors de son territoire.

Quatre milliards de dollars en deux ans

Mais aucun n’arrive aux chevilles de Lone Star. Cette opération a déjà coûté plus de 4 milliards de dollars et a mobilisé environ 1 500 policiers et plus de 10 000 gardes nationaux placés sous l’autorité du gouverneur du Texas.

Surtout, l’Opération Lone Star repousse les limites de ce qu’un État peut se permettre sans empiéter sur les prérogatives du pouvoir fédéral, censé être le seul à avoir autorité sur la politique de contrôle des flux migratoires.

À l’origine, Greg Abbott ne voulait d’ailleurs pas se lancer dans un vaste programme policier à la légalité discutable, de peur de se faire rapidement remettre en place par Washington, raconte le New York Times. Mais les trumpistes les plus acharnés ont su se montrer très convaincants, précise le quotidien de la côte Est. Tucker Carlson, l’ex-présentateur vedette de la chaîne ultra-conservatrice Fox News, a plusieurs fois critiqué “l’inaction” de Greg Abbott dans son émission aux six millions de téléspectateurs.

Le gouverneur texan a finalement cédé aux sirènes anti-migratoires début mars 2021, un peu plus d’un mois et demi après l’investiture de Joe Biden. Il a présenté l’opération Lone Star comme une nécessité imposée par le “refus [du président démocrate] de sécuriser la frontière”.

En deux mois, il fait passer le nombre de soldats de la Garde nationale à la frontière de 1 000 à 10 000. Il a transformé aussi des bâtiments désaffectés en centre de détention provisoire, et poussé les sheriffs à faire de la “chasse” aux migrants leur priorité numéro 1. 

Gregg Abbott a aussi multiplié les communiqués à la gloire de son opération et plus de deux ans après sa mise en place, le gouverneur assure avoir pu ainsi “arrêter 371 000 migrants en situation illégale, et saisir 385 millions de doses de Fentanyl [à l’origine de la crise des opiacés aux États-Unis, NDLR]”.

De quoi en faire l’homme qui a réussi là où Joe Biden n’a rien fait aux yeux de sa base électorale. Il a d’ailleurs fait de l’opération Lone Star le principal argument de la campagne électorale qui lui a permis d’être élu pour un troisième mandat en novembre 2022.

Politique raciste ?

Mais par de nombreux aspects, ce succès n’est qu’une façade ont dénoncé de nombreuses associations de défense de droits fondamentaux aux États-Unis. 

D’abord, toute l’opération repose sur des bases juridiques très fragiles. Officiellement, c’est une campagne de lutte contre le trafic de drogue transfrontalier et non pas pour freiner l’immigration illégale. Une première manière pour Gregg Abbott de rester dans les clous de ses attributions sans craindre les foudres de Washington.

Ensuite, les gardes nationaux n’ont pas le droit d’arrêter et renvoyer les migrants qui auraient traversé illégalement la frontière. Là encore, seules les autorités douanières – qui dépendent de Washington – ont ce pouvoir. Conséquence : pendant plusieurs mois, les gardes nationaux déployés ont surtout fait de la figuration à la frontière, ce qui a donné lieu à plusieurs reportages de médias nationaux, comme le New York Times, sur le désarroi de ces soldats dont le seul rôle était d’alerter les agents des douanes quand ils apercevaient des migrants…

Mais à la fin de l’été, Gregg Abbott a trouvé une astuce juridique. Ses gardes nationaux peuvent arrêter les individus qui empiètent illégalement sur la propriété privée d’autrui, et “au Texas, quasiment tout le territoire est privatisé”, rappelle le Washington Post. 

De quoi susciter une vague d’indignation parmi les ONG humanitaires qui ont crié à la politique raciste et aux contrôles au faciès. Elles ont dénoncé des interpellations qui visaient uniquement les personnes ayant l’apparence de migrants. Fin 2022, plusieurs d’entre elles ont même demandé au ministère de la Justice d’enquêter sur ces pratiques douteuses.

Des chiffres remis en question

Juridiquement hasardeuse, l’opération Lone Star n’a peut-être pas non plus été aussi efficace que le gouverneur veut le faire croire. Une enquête conjointe du Texas Tribune et du site de journalisme d’investigation ProPublica a découvert en mars 2022 que les chiffres officiels étaient le résultat d’un savant mélange des genres. Ils incorporaient des saisies de drogues effectuées à l’occasion d’opérations de longue haleine débutées avant le lancement de Lone Star et des arrestations menées par des gardes nationaux mais pour des délits qui n’ont rien à voir avec l’immigration illégale. Difficile, en revanche, de savoir à quel point les statistiques ont été ainsi gonflées.

Une chose cependant est établie : la plupart des migrants arrêtés sont ensuite relâchés… sur le sol nord-américain. En effet, la violation de propriété privée reste un délit mineur qui ne mène que rarement à un procès, souligne le Wall Street Journal. Des tribunaux déjà surchargés par ailleurs n’ont aucune envie d’alourdir encore leur charge de travail avec ces infractions de seconde zone.

Le cabinet du gouverneur a indiqué que la plupart du temps ces migrants interpellés sont remis aux officiers des douanes. Mais les autorités fédérales “refusent de dire combien d’entre eux sont effectivement reconduits à la frontière”, note le Washington Post.

Face à ces critiques, le Texas a décidé… qu’il voulait encore prolonger son programme. Les républicains viennent de demander au Parlement du Texas de voter une rallonge de 4,5 milliards de dollars pour deux ans supplémentaires de Lone Star.

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