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En Iran, des actrices à l’avant-poste de la désobéissance civile contre le port du voile

Les poursuites judiciaires se multiplient en Iran contre des personnalités ayant refusé de porter le voile lors d’apparitions publiques. Une traque qui témoigne d’un durcissement amorcé par les autorités iraniennes depuis la mi-avril : désormais, un “plan pour le hijab et la chasteté” assimile le fait de se dévoiler à une menace à la sécurité nationale.  

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Six actrices populaires ont payé les frais du grand “plan pour le hijab et la chasteté” lancé le mois dernier par les autorités iraniennes. Deux d’entre elles viennent d’être inquiétées par la justice, ont annoncé lundi 8 mai des médias en Iran. Baran Kosari, star du cinéma indépendant, âgée de 37 ans, est poursuivie pour ne pas avoir porté le voile lors des obsèques d’un acteur récemment décédé. “Ses photos ont été immédiatement publiées sur Internet.”  

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Par ailleurs, des poursuites ont été engagées contre Shaghayegh Dehghan pour “ne pas avoir porté le hijab dans un café”, selon l’agence Mehr. Apparue dans des séries télévisées comiques, cette comédienne de 44 ans a été primée à plusieurs reprises au festival Fajr de Téhéran, la plus importante manifestation cinématographique du pays.    

Avant elles, quatre autres actrices – Katayoun Riahi, Pantea Bahram, Afsaneh Baygan et Fatemeh Motamedarya – ont été poursuivies pour les mêmes raisons. 

En Iran, toutes sont des figures respectées du petit et du grand écran, et elles “jouent gros”, souligne Azadeh Kian, professeure de sciences politiques à l’université Paris VII Diderot et spécialiste de l’Iran. “Elles ont reçu un avertissement judiciaire. C’est une première étape avant que les autorités ne montent un dossier contre elles pour ‘danger à la sureté nationale’ – ce qui peut leur valoir une forte amende, dans certains cas, l’interdiction d’exercer leur métier d’actrice, ou la confiscation de leur passeport”, commente la chercheuse. 

Aucune d’entre elles n’a été arrêtée cette fois. Hormis Katayoun Riahi, 61 ans, qui a été la première actrice iranienne à avoir publié des photos sans voile sur sa page Instagram en solidarité avec les manifestations ayant suivi la mort de Mahsa Amini. L’ancienne star de cinéma a passé une semaine en détention fin novembre et a été libérée sous caution, ce qui ne l’a pas empêchée de continuer à apparaître sans foulard islamique. 

Quant à Pantea Bahram, âgée de 53 ans, autre poids lourd du cinéma iranien, elle n’a pas été arrêtée après s’être présentée tête nue mi-avril, à l’avant-première d’une nouvelle série télévisée, mais c’est le patron de ce cinéma du sud de Téhéran qui a été limogé par l’organisme de contrôle du cinéma iranien pour n’avoir pas chassé l’actrice de sa salle de projection. 

Surveillance des services secrets et lynchage sexiste 

À elles toutes, ces comédiennes reflètent la diversité de la société iranienne, analyse Asal Bagheri, enseignante-chercheuse à l’université Cergy-Paris. “Ce ne sont pas uniquement de jeunes artistes du cinéma indépendant, mais des comédiennes issues de différentes générations d’actrices, du cinéma d’auteur comme de la comédie télévisée. Des femmes qui ont pris leur courage à deux mains pour faire ça indépendamment les unes des autres, à l’instar du mouvement ‘Femme, vie, liberté’, qui touche toutes les sphères de la société iranienne”. 

Certaines étaient jusqu’à présent restées silencieuses, explique cette spécialiste du cinéma iranien, “parce qu’elles subissent quotidiennement des pressions de la part des services de renseignement et des Gardiens de la révolution“. Ce contrôle peut prendre la forme d’une surveillance 24 heures sur 24, de convocations régulières à des interrogatoires, ou encore de chantage basé sur des photos et informations compromettantes sur le plan des mœurs, volées lors de fêtes ou dans le cadre privé.  

Plusieurs de ces actrices, dont Pantea Bahram, ont aussi fait l’objet d’un lynchage sexiste dans les médias iraniens. Lors d’une émission télévisée, le présentateur Behrouz Afkhami et le réalisateur conservateur Abdolghassem Talebi s’en sont pris à elles, “les accusant d’avoir des réactions de ‘femmes ménopausées’ et de n’être que des actrices vieillissantes, cherchant à attirer l’attention et à reprendre la lumière en retirant leur voile”.

Désobéissance civile 

Si ces actrices dérangent tant, c’est parce qu’elles symbolisent la désobéissance civile qui a gagné la société iranienne et contre laquelle les autorités ont du mal à lutter. “Comme elles sont très populaires, leurs actions ont plus d’impact que ces courageuses inconnues qui refusent elles aussi de porter le voile”, souligne Azadeh Kian. 

Ces derniers mois, de plus en plus de femmes sont apparues tête nue dans la rue, après le début du mouvement de contestation déclenché par la mort en détention en septembre de Mahsa Amini, arrêtée pour infraction au strict code vestimentaire.  


Décrivant le voile comme “l’un des fondements civilisationnels de la nation iranienne”, le ministère de l’Intérieur a durci, mi-avril, les sanctions à l’égard de celles qui oseraient encore les défier. “Selon les lois en vigueur, le fait d’enlever le hijab est considéré comme un crime”, a même prévenu Hassan Mofakhami, chef de la sécurité de la police dans le communiqué émis à l’occasion de la sortie très médiatisée de ce plan à visée dissuasive. 

Lourdes amendes, envoi de SMS si les femmes sont repérées sans le voile au volant, confiscation du véhicule, pression sur leurs employeurs – y compris dans le privé – pour les faire limoger, refus de soins à l’hôpital pour celles qui désobéissent, fermeture des commerces autorisant les femmes dévoilées… Autant de moyens employés par les autorités pour contraindre les Iraniennes. “Mais cela donne les résultats inverses”, estime Azadeh Kian. “Car ce n’est pas seulement une question de voile, c’est l’idéologie de ce régime que les gens rejettent”. 

>> À lire aussi : L’Iran équipe les lieux publics de caméras pour repérer les femmes non voilées

Les hommes ne sont pas en reste, souligne la chercheuse. Entre 150 commerces, selon les autorités, et 2 000 établissements, d’après le quotidien réformateur Shargh, ont été fermés pour ne pas avoir fait respecter l’obligation du port du voile, or “la plupart des propriétaires des commerces sont des hommes”. “Ils ont accepté de prendre le risque de laisser des femmes libres dans leurs locaux, au risque de devoir baisser le rideau”. 

D’autres scènes diffusées sur les réseaux sociaux font réagir la chercheuse, comme dans le métro de Téhéran, où des hommes ont expulsé début mai un agent qui a provoqué la colère d’une passagère après lui avoir ordonné de remettre son voile. 

 Avec AFP

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