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Coupe du monde de rugby : les guerriers du Pacifique livrent un combat déséquilibré

Les îles Fidji, Samoa et Tonga, qui ne totalisent que 1,3 million d’habitants, représentent un incroyable vivier du rugby mondial. Mais ces petites nations, dotées de faibles moyens financiers, peinent à retenir leurs joueurs de talent et à préparer la Coupe du monde dans de bonnes conditions.

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Lors de l’édition 2019 de la Coupe du monde, “42 joueurs du Pacifique ont joué pour d’autres nations que les leurs”. Le chiffre est donné par Daniel Leo, ancien capitaine de la sélection samoane, dans le documentaire “Oceans Apart” qu’il a lui-même réalisé. Un joueur peut en effet opter pour une autre équipe que celle de son pays de naissance, à condition de respecter différentes règles imposées par World Rugby, la fédération mondiale. Et les nations majeures de ce sport, dont la France, ont pratiquement toutes intégré, ces dernières années, des joueurs originaires de ces trois archipels.

Disséminés sur plusieurs centaines d’îles, ces pays connaissent de graves difficultés économiques et sociales. Les Tonga, dont la population est estimée à 105 000 habitants, possèdent – selon le Fonds monétaire international – un des PIB les plus faibles de la planète. Et dans ces trois nations du Pacifique, le rugby représente un moyen de s’en sortir. Leurs rugbymen robustes et talentueux aspirent notamment à jouer en Europe où les salaires versés leur permettent de faire vivre leurs familles. Et ils savent aussi que les conditions offertes par les sélections nationales des pays riches s’avèrent beaucoup plus avantageusesUne raison qui les encourage à renoncer à porter le maillot de leur pays d’origine.

Depuis plusieurs décennies, l’Australie et la Nouvelle-Zélande profitent de ce vivier de grande qualité. L’immigration samoane ou tongienne est par exemple très forte en Nouvelle-Zélande et de nombreux joueurs issus de ces communautés portent le maillot des All Blacks, à l’image de la défunte légende du rugby Jonah Lomu. D’autres pays ont pris le relais plus récemment, à commencer par le Japon, qui a pu compter sur l’arrivée d’une demi-douzaine de joueurs du Pacifique qui ont grandement contribué à sa forte progression sportive.

Des nations qui pèsent peu

Dan Leo est devenu la figure de proue de la défense de ces rugbymen de l’hémisphère sud. Il a fondé l’association Pacific Rugby Players Welfare (PRPW) qui vient en aide aux joueurs de ces trois nations. Celle-ci avance le chiffre de 600 membres, essentiellement des joueurs professionnels évoluant en Europe. Tous ne sont pas des recrues choyées évoluant dans des clubs huppés, et certains joueurs peinent à faire valoir leurs droits face à des dirigeants négligents ou malhonnêtes.

L’ancien troisième ligne samoan, qui a notamment joué en France pour Bordeaux et Perpignan, mène également un combat contre les instances internationales qui gèrent le rugby. Il demande plus de moyens pour les nations du Pacifique et dénonce leur sous-représentation dans le Conseil de World Rugby, instance suprême de ce sport seules les Fidji et les Samoa sont représentées, et n’y totalisent que deux votes, alors que les membres les plus influents en possèdent trois chacun. Un système de gouvernance qui, selon PRPW, permet aux nations les plus riches de privilégier leurs intérêts aux dépens des petites nations.

“Dan s’est attaqué à tous ces sujets alors que beaucoup d’autres ne voulaient pas ou ne pouvaient pas le faire. Il s’est fait entendre et s’est montré courageux”, explique James Nokise. Ce Néo-Zélandais d’origine samoane et galloise est à la fois comédien, écrivain et podcaster. Et il vient de réaliser le podcast “Fair Game” sur les joueurs du Pacifique, en collaboration avec l’ancien joueur néo-zélandais John Daniell, devenu journaliste après sa carrière professionnelle. “Le but est d’expliquer la situation de ces joueurs”, souligne James Nokise, en aidant les supporters de l’hémisphère nord “à mieux connaître ces joueurs qu’ils encouragent” chaque week-end.

Une préparation insuffisante

Au fil des épisodes de ce podcast très riche, James Nokise et John Daniell donnent la parole à différents acteurs du rugby des îles du Pacifique et exposent les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Au cours de sa carrière en Nouvelle-Zélande et des neuf saisons passées dans trois clubs français, John Daniell a côtoyé beaucoup de joueurs samoans, tongiens ou fidjiens. Il a découvert leurs cultures exceptionnelles et la difficulté pour eux de pouvoir concilier leurs carrières en club et en sélection nationale.

“Ces nations du Pacifique connaissent une situation exceptionnelle pour plusieurs raisons, à commencer par leur éloignement géographique. Mais la plus grande injustice qui les frappe est cette histoire de votes au sein du Conseil”, explique John Daniell dans un français parfait. Pour lui, les nations puissantes défendent leurs propres intérêts et ne leur permettent pas d’intégrer complètement le monde du rugby professionnel. Il met notamment en avant les calendriers internationaux : alors que la France a affronté de nombreuses fois les meilleures équipes mondiales entre la Coupe du monde 2019 et la prochaine, les Samoa, actuellement 11e nation du classement mondial, ne se sont confrontées pendant ces quatre ans qu’à une seule équipe du top 10, l’Italie. Les Tonga, au 15e rang, ont vécu un scénario similaire, tandis que les Fidji (13es) ont connu un meilleur sort puisqu’elles ont affronté l’Irlande et l’Écosse l’automne dernier.

“Je pense qu’il est devenu clair que ce qui sépare les grandes nations des nations du Pacifique, mis à part l’argent et les moyens, c’est le temps qu’elles peuvent passer ensemble en tant qu’équipe”, assure James Nokise, qui insiste sur la difficulté à réunir des joueurs répartis dans le monde entier. Moins préparées, ces équipes manquent de cohésion et ne parviennent pas à exprimer tout leur potentiel lors des Coupes du monde, même si les Fidji et les Samoa ont toutes deux déjà réussi à disputer deux quarts de finale depuis la première édition de cette compétition en 1987.

Les stars des Flying Fijians

Pour les aider à s’améliorer, World Rugby a notamment favorisé la création de deux franchises engagées dans le Super Rugby, la compétition professionnelle de l’hémisphère qui voit s’affronter des franchises australiennes, sud-africaines et néo-zélandaises. Moana Pasifika regroupe des joueurs tongiens, samoans et néo-zélandais tandis que les Fijian Drua n’alignent que des Fidjiens qui passent toute la saison ensemble. Mais cette dernière ne compte pas sur les stars des Flying Fijians comme Semi Radradra ou Josua Tuisova, qui jouent respectivement en Angleterre et en France.

World Rugby a justifié le financement de ce projet par la volonté “d’élever le niveau de compétitivité du rugby dans le monde entier et plus particulièrement en vue des Coupes du monde de rugby”. Face à ses détracteurs, l’instance dirigeante du rugby assure agir en faveur de ces équipes du Pacifique, tout en soulignant la difficulté d’avancer en raison du manque de structures efficaces dans ces pays. Des cas de malversations au sein des fédérations locales ont été relayés par les joueurs eux-mêmes qui ont maintes fois dénoncé la dilapidation des budgets alloués. Une mauvaise gestion qui, selon John Daniell, ne peut pas justifier de limiter le soutien financier apporté à ces îles. “C’est beaucoup trop facile de dire qu’ils n’ont pas bien géré ces financements et que l’on ne peut plus leur faire confiance. Ça me rend dingue vu ce que l’on a pu voir récemment ailleurs, en France par exemple”, lâche-t-il en faisant allusion à la récente condamnation pour corruption de l’ancien président de la Fédération française de rugby.

Le débat sur le fonctionnement de ces fédérations du Pacifique ne manquera pas de refaire surface à l’approche de la Coupe du monde de rugby 2023. Sur le terrain, les Tonga, les Samoa et les Fidji, qui se trouvent dans trois poules différentes, espèrent atteindre les phases finales de cette compétition, ce qu’elles n’ont plus fait depuis l’édition 2007. Les Fidjiens avaient alors réussi à écarter le pays de Galles et s’étaient inclinés en quarts contre les Springboks, futurs vainqueurs de cette édition déjà organisée en France. Une performance que ces joueurs brillants, champions olympiques de rugby à sept à Rio et à Tokyo, espèrent bien réitérer.

20 équipes pour un titre

La Coupe du monde 2023, qui se déroulera du 8 septembre au 28 octobre dans dix villes françaises, verra 20 sélections réparties en quatre groupes se disputer le titre mondial. France 24 vous propose, d’ici le coup d’envoi de cet événement sportif majeur, une série d’articles sur les équipes en lice. Avec une publication le “XV” de chaque mois.

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