Connect with us

Hi, what are you looking for?

Monde

Multiplication des cas d’autisme : une étude met la pollution sur le banc des accusés

La multiplication du nombre de cas d’autisme dans les pays industrialisés suscite de vives inquiétudes sanitaires. La responsabilité de la pollution s’impose progressivement, mais n’a pas encore été formellement démontrée sur le plan neurobiologique. C’est ce qu’ambitionne de réaliser, en France, une étude inédite, qui suivra 1 700 couples sur dix ans. Pour ses artisans, prendre conscience du lien entre santé humaine et pollution pourrait transformer notre rapport à l’environnement. 

Publicité

La sentence est tombée en novembre 2014. “Il est autiste, c’est sûr, et on ne sait pas comment il va évoluer”, lâche le médecin. La vie de Camille et de son compagnon est depuis bouleversée : l’autisme de leur fils, 11 ans aujourd’hui, habite chaque heure de leur quotidien.

Advertisement

Caractérisé par un ensemble de troubles du comportement, de la communication et des interactions sociales, le trouble du spectre de l’autisme est vécu, dans sa forme lourde, comme un handicap. Un handicap devenu une préoccupation sanitaire.

Selon les évaluations les plus récentes des pays industrialisés, le taux de prévalence de l’autisme est estimé à 2 %. En France, 8 000 enfants autistes naissent chaque année, selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). 

Des deux côtés de l’Atlantique, le constat est unanime : non seulement le nombre de naissances d’enfants autistes ne cesse d’augmenter, mais sa hausse est exponentielle. Aux États-Unis, les autorités sanitaires américaines comptaient un enfant autiste sur 5 000 en 1975, contre un enfant sur 68 en 2014. Seulement trois ans plus tard, ce taux passait à un sur 59. 

D’aucuns nuancent ces chiffres en invoquant le trompe l’œil classique de toute donnée épidémiologique : le développement du diagnostic. Nos sociétés comptent-elles réellement toujours plus d’autistes ou simplement toujours plus d’enfants diagnostiqués comme tels par la médecine ?

La pollution, suspect numéro un

Pour Camille, elle-même ingénieure médicale, l’essor du dépistage ne peut expliquer l’exponentialité de la courbe, cette “augmentation de l’augmentation”. La multiplication des cas d’autisme et autres troubles neurodéveloppementaux est certes liée en partie à l’amélioration du diagnostic, concède Amaria Baghdadli, psychiatre. Mais “en partie seulement”, insiste le médecin, responsable du Département universitaire de pédopsychiatrie et du Centre de ressources sur l’autisme au CHU de Montpellier.

Découvertes dans les années 1970, les origines héréditaires des troubles neurodéveloppementaux sont attestées par l’ensemble de la communauté scientifique. Mais l’ADN ne permet en rien d’expliquer cette hausse du nombre de cas. Et ce, du fait d’une réalité scientifique claire : notre patrimoine génétique ne peut évoluer en si peu de temps. 

Notre environnement, en revanche, a connu des perturbations massives depuis l’après-guerre. Pollution atmosphérique, contamination de nos assiettes par les pesticides et engrais de synthèse, aliments transformés par l’industrie, perturbateurs endocriniens : nous vivons désormais dans un monde chimiquement modifié. 

Comprendre

Depuis une dizaine d’années, des collectes de données établissent un parallèle toujours plus évident entre pollution et autisme. Il y a donc bien une occurrence statistique, “mais nous n’avons pas encore établi le lien de causalité du point de vue neurobiologique”, poursuit le Dr Baghdadli. 

Rétrospectives, ces précédentes recherches ambitionnaient généralement d’établir le lien une fois le diagnostic autistique établi. Ce qui revenait à “faire le chemin à l’envers”, explique la psychiatre. “Il faut être là au moment où les expositions aux polluants se produisent, dès la grossesse, non après”. 

C’est là que réside la nouveauté du titanesque programme de recherche qu’elle coordonne avec le CHU de Montpellier, dite “cohorte Marianne“. Cette année, et sur les dix prochaines années, cette étude suivra médicalement 1 700 femmes enceintes et leurs familles. Son but : comprendre les déterminants biologiques et environnementaux précoces de l’autisme et des autres troubles du neuro-développement. Prévenir, mais aussi mieux accompagner les enfants souffrant déjà de troubles du développement et du spectre de l’autisme.

La planète, la société, l’individu : une seule santé

Financée par l’Agence Nationale de la Recherche, cette étude géante est l’aboutissement d’un long combat, porté par Amaria Baghdadli dès 2014.  “Nous venons de si loin”, soupire la psychiatre. À l’époque où celle-ci était en faculté de médecine, sa génération “n’envisageait même pas d’étudier le lien entre la santé et l’environnement”, se rappelle la quinquagénaire. 

Encore en 2017, ses mises en garde avaient reçu un frileux accueil au sein du microcosme scientifique français. Mais avec le projet Marianne cette année, Amaria Baghdadli voit une prise de conscience citoyenne et politique, qui dépasse le cadre de l’autisme : “Société et décideurs saisissent enfin que la santé humaine dépend de l’environnement, au sens chimique et social”. La planète, la société, l’individu : “Il n’y a qu’une seule santé” résume la médecin. 

C’est une des leçons que tire Camille de l’autisme de son fils. Médecines douces, art de vivre, alimentation bio : la jeune femme, et son compagnon, biochimiste, sont passés au vert. Pour son enfant, c’est trop tard, soupire-t-elle. Mais la cohorte, Marianne la remplit d’espoir “pour les autres”. “Plus on démontre l’impact environnemental sur notre santé, plus les lignes vont bouger”, espère-t-elle.

Changement de paradigme 

À l’échelle mondiale, la progression de la pollution chimique n’a même pas commencé à ralentir. Selon une étude parue dans la revue médicale “Environmental Science & Technology”, le degré de pollution chimique de notre planète franchissait, en 2022, un nouveau cap critique. 

>> À lire aussi : Polluants éternels : partout et pour toujours

Démontrer une corrélation directe entre la santé et la dégradation de l’environnement pourrait pourtant provoquer un déclic écologique. C’est là le propos de Xavier Briffault, chercheur en sciences sociales et philosophie de la santé au CNRS. Nous assistons, selon lui, à une modification de paradigme politico-environnemental, passant d’une écologie éthique à une écologie de santé publique. En d’autres termes : de “polluer c’est mal” à “polluer ça fait du mal”.

La santé n’est pas qu’une finalité du combat écologique, mais un moyen, poursuit le chercheur : mobilisant nos peurs, la question sanitaire permet de faire pression sur les politiques selon cet argumentaire : “Non seulement vous tuez la planète mais vous nous tuez”. Le sociologue conclut dans une lueur d’espoir :  “La santé est l’un levier d’action des plus puissants qui soit”.

You May Also Like

En Vedette

Le parlement polonais accueillera des experts et des organisations le lundi 12 septembre pour aborder le sujet urgent du traumatisme psychologique subi par la...

En Vedette

KAPIKULE, TURQUIE, 24 mai, 9:00 GMT]- Plus de 100 membres de la religion Ahmadi de paix et de lumière, une minorité religieuse persécutée, qui...

Monde

En marge de la visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky en Europe, des comptes ont partagé des images montrant trois propriétés de luxe qui...

Francais

La Commission européenne a proposé les grandes lignes d’un plan visant à rendre l’Europe indépendante des combustibles fossiles russes bien avant 2030, en commençant...