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Quand la génétique permet à deux souris mâles de procréer

Un célèbre biologiste japonais, Katsuhiko Hayashi, a annoncé, mercredi 8 mars, une percée scientifique qui lui a permis de mettre au monde des souriceaux ayant deux pères et aucune mère. Si cette prouesse est inédite, elle est encore loin d’annoncer la possibilité pour des couples humains du même sexe d’avoir des enfants.

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Dans la famille souris, ils ont demandé le papa, puis encore un autre papa et enfin le souriceau. Mais de mère, il n’en a pas été question. Katsuhiko Hayashi, un célèbre biologiste japonais du développement, a annoncé avoir réussi à donner naissance à des bébés souris en bonne santé uniquement à partir de cellules souches mâles, mercredi 8 mars à l’occasion du troisième Sommet international sur l’édition du génome humain à Londres.

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Les travaux de son équipe n’ont pas encore été publiés, mais celle-ci a soumis l’article décrivant l’exploit à la revue Nature, a précisé le chercheur japonais.

Un ovocyte de père

Si cette percée scientifique venait à être confirmée par le célèbre journal, il s’agirait d’une “petite révolution”, a réagi Nitzan Gonen, directrice du Sex Determination Lab à l’université israélienne Bar-Ilan.

La quête pour faire naître des bébés de parents d’un même sexe agite le petit monde des biologistes et généticiens depuis plus d’une décennie. Le but n’est pas seulement de démontrer la possibilité pour des couples homosexuels d’avoir des enfants sans l’intervention d’un individu de l’autre sexe, mais aussi d’ouvrir des portes thérapeutiques pour des personnes stériles ou encore pour des familles monoparentales, souligne le Guardian.

Mais pour l’heure, les travaux de Katsuhiko Hayashi restent confinés au règne animal. Il a réussi à reprogrammer des cellules de souris mâles pour qu’elles perdent leur chromosome Y – marqueur sexuel pour les hommes – et acquièrent un deuxième chromosome X, qui est uniquement présent chez les femmes.

“Certaines cellules souches perdent naturellement leur chromosome Y, tandis que d’autres, en raison de malformations ou d’erreurs que les scientifiques ont cherché à stimuler en ajoutant une molécule particulière, peuvent acquérir un chromosome X”, note Nitzan Gonen. Les travaux des scientifiques japonais reposent donc sur un subtil mélange de sélection naturelle et de manipulation humaine.

Le nouvel ovocyte ainsi créé – c’est-à-dire une cellule sexuelle féminine – a ensuite été fécondé par les chercheurs grâce à des spermatozoïdes de souris. L’œuf a alors été implanté dans une souris femelle pour qu’il se développe.

Il y a donc bien encore une “femme” qui intervient dans le processus, mais “uniquement parce qu’on n’a pas encore développé d’utérus artificiel pour assurer le bon développement de l’embryon en laboratoire”, note Robin Lovell-Badge, biologiste et généticien au Crick Institute de Londres.

Mais cette femelle porteuse ne transmet aucun bagage génétique au futur souriceau qui doit tout à ses deux papas.

Une méthode peu efficace

“C’est un travail scientifiquement très intéressant et prometteur, mais il faut aussi avoir conscience des limites actuelles et du chemin encore à accomplir”, prévient Robin Lovell-Badge.

D’abord, de l’aveu même de Katsuhiko Hayashi, ce n’est pas encore une méthode très efficace. Sur 630 embryons implantés dans des femelles porteuses, seuls sept souriceaux ont vu le jour. La bonne nouvelle est que ces petits ont tous bien grandi et sont devenus fertiles, souligne le magazine Nature.

“La production de gamètes [cellules reproductrices mâles ou femelles, NDLR] est un processus très complexe et long. On ne sait pas parfaitement le reproduire in vitro”, assure Nitzan Gonen. En outre, “les œufs produits en laboratoire et grâce à cette méthode sont de moins bonne qualité que ceux qui sont formés naturellement”, ajoute Robin Lovell-Badge. De ce fait, le nombre d’embryons viables sera plus faible dans cette configuration.

“Il faudra clairement améliorer l’efficacité de cette méthode avant de penser à la tester sur l’homme”, assure Nitzan Gonen. Et le chemin pour arriver à une éventuelle application de cette découverte à l’homme risque de s’avérer long et semé d’embûches.

D’abord d’ordre purement scientifique. “On ne maîtrise pas encore pour l’homme la technologie qui a, ici, été utilisée pour transformer une cellule souche d’une souris mâle en ovocyte”, souligne Robin Lovell-Badge.

Le processus prendrait aussi beaucoup plus longtemps. “Ce serait un défi technique d’une tout autre ampleur, car il faudrait maintenir l’intégrité des échantillons en laboratoire sur une période beaucoup plus longue, ce qui multiplie les risques d’accidents”, explique Robin Lovell-Badge.

Obstacles éthiques

Et c’est sans compter les obstacles éthiques. “Il faudra s’assurer que la société soit prête à accepter la possibilité que des couples d’hommes puissent faire des enfants”, estime Nitzan Gonen.

“Il y aura probablement une partie non négligeable de la population qui n’aura pas d’objection à cette possibilité, mais une autre s’y opposera pour des raisons religieuses ou autres. Il faudra prendre du temps pour réfléchir, en amont, aux arguments pour justifier cette technologie”, note Robin Lovell-Badge, qui a déjà participé aux débats nationaux au Royaume-Uni sur l’éthique des recherches sur les cellules souches.

Une réflexion devra aussi être menée sur la place de la femme dans ce processus. Les mêmes questions qui ont agité et continuent à nourrir dans certains pays les débats sur le rôle des mères porteuses devraient revenir sur la table.

La technique utilisée par Katsuhiko Hayashi ne fonctionne en outre pas encore pour deux mères. “Si on connaît à peu près la manière de créer un ovocyte à partir d’une cellule souche mâle, personne n’a encore réussi à fabriquer un spermatozoïde à partir d’une cellule souche femelle”, explique Nitzan Gonen, dont le laboratoire travaille, entre autres, sur cette question.

Autant d’obstacles qui, pour elle, font que si cette technologie peut un jour être utilisée pour l’homme, ce ne sera probablement “pas avant dix ou vingt ans”. Et elle pourrait alors servir dans des cas beaucoup moins sujets à controverse, comme pour aider des couples ayant des problèmes de fertilité. “Cette technologie pourrait venir en aide aux personnes souffrant de stérilité, à condition qu’il ne s’agisse pas d’un problème purement génétique”, note la biologiste.

Cette méthode pourrait ainsi représenter une solution pour les personnes devenues stériles après des traitements contre le cancer. “Il y a par exemple des enfants qui ont vaincu des leucémies grâce à des chimiothérapies ou des radiothérapies. Mais ces traitements peuvent affecter leur fertilité. Cette technique de création d’ovocytes à partir de cellules pourrait leur venir en aide”, détaille Robin Lovell-Badge. Idem pour des couples qui décideraient d’avoir des enfants à un âge relativement avancé “quand la qualité des cellules reproductrices s’est détériorée”, ajoute Nitzan Gonen. Pour l’heure, il s’agit donc d’un petit pas pour les souris qui, peut-être un jour, deviendra un grand pas pour l’humanité.

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