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“De nouveaux déplacés arrivent tous les jours” : face au M23, Goma au bord de l’asphyxie

Alors que les principaux axes autour de Goma tombent tour à tour aux mains des rebelles du M23, et que de nouveaux déplacés arrivent chaque jour pour fuir les combats, la capitale du Nord-Kivu est au bord de l’asphyxie, comme le décrivent nos Observateurs, déplacés à plusieurs reprises ou habitants de la ville qui ont vu, impuissants, l’étau se resserrer peu à peu.

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Le 7 mars 2023, malgré un cessez-le-feu annoncé entre les forces armées congolaises et le M23, les combats ont repris à Saké, à seulement une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Goma, capitale du Nord-Kivu où vivent près d’un million de personnes. À l’ouest et au nord, plusieurs villes et villages sont désormais contrôlés par le “M23”, mouvement rebelle qui sème le trouble dans l’est du pays et bénéficie, selon Kinshasa, de l’appui du Rwanda voisin, ce que Kigali réfute, malgré des liens mis en évidence dans différents rapports internationaux, notamment de l’ONU.

Dans cet article, tous nos Observateurs sont anonymisés pour leur sécurité.

Tous les jours, de nouveaux déplacés arrivent”

Il y a un an, Laurent (pseudonyme) et sa famille fuyaient Bunagana. Le M23 a annoncé la prise de contrôle de cette petite ville idéalement située à proximité de la frontière ougandaise le 13 juin 2022.

>> LIRE SUR LES OBSERVATEURS :“Nous ne pouvons pas rentrer chez nous” : au Nord-Kivu, le désespoir des habitants de Bunagana, tenue par le M23

Depuis un camp de déplacés situé au nord de Goma, où il est installé depuis trois mois, il suit l’avancée du M23, face auquel il a déjà fui plus d’une fois :

Je suis arrivé à Goma en janvier, ça faisait le… [il compte] le cinquième déplacement depuis qu’on a quitté Bunagana [en mars 2022]. On est passés par l’Ouganda, puis vers Rutshuru et enfin Goma. Nous, les déplacés, nous sommes fatigués.  Nous avons vu cette guerre commencer à Bunagana, nous n’avons plus confiance, plus espoir de voir le Congo récupérer les territoires des mains du M23.  Encore ce matin [le 9 mars], des familles sont arrivées dans le camp depuis l’ouest de la ville.


Les conditions dans le camp sont très difficiles, certaines familles vivent à dix ou douze dans le même abri. Ma fillette a très souvent des maux de ventre, à cause de la nourriture et de l’eau qu’on boit ici.  Il y a des cas de décès liés à la malnutrition et à l’insalubrité. Nous n’avons quasiment rien à manger, et nous n’avons plus accès à l’aide humanitaire depuis plusieurs mois.


Les déplacés manifestent régulièrement pour demander de l’aide humanitaire, ici le 6 mars à Goma, certains ont échangé avec les autorités militaires du Nord-Kivu.

À Goma, la vie est difficile même pour les habitants. Les prix sont en hausse, il n’y a presque plus d’aliments sur les marchés. On sent qu’ils ont le souci d’accueillir, mais qu’ils n’ont quasiment plus rien eux-mêmes, ils doivent s’occuper de leurs familles. 

Depuis mars 2022, les conflits au Nord-Kivu ont fait plus de 600 000 personnes déplacées au 31 janvier, selon l’ONU. Mais ce chiffre ne fait qu’augmenter chaque jour, comme l’explique Christophe (pseudonyme), habitant à Goma et bénévole dans l’association Goma actif. 

Actuellement, un grand nombre de déplacés s’entassent sur la route depuis Sake, improvisant des camps, certains sur des terrains volcaniques, où le gaz méthane commence à faire des victimes, ce qui complique la mise en place d’une aide humanitaire. Tous les jours, de nouveaux déplacés arrivent à Goma, et les associations humanitaires sont complètement dépassées.

“La ville est encerclée”


Distribution de bouillie aux plus vulnérables dans un camp de déplacés au nord de Goma. Christophe explique que la bouillie sert à apporter de la vitamine aux plus jeunes.

Autour de Goma, les combats qui se rapprochent chaque jour de la ville compliquent également l’accès aux ressources extérieures, notamment la nourriture, dont les prix augmentent en flèche sur le marché. Comme beaucoup d’habitants de Goma, Christophe a vu peu à peu le front se rapprocher et asphyxier la ville.

Au départ, à Goma, on pensait que les rebelles n’iraient pas loin, on avait confiance en notre armée et dans la pression diplomatique de la communauté internationale. Mais les villes ont continué à tomber, une à une, et notre armée à reculer jusqu’à aujourd’hui, où nous parlons maintenant en termes de quelques kilomètres carrés.

 >> LIRE SUR LES OBSERVATEURS : RD Congo : au Nord-Kivu, la “deuxième fuite” des habitants face à l’avancée du M23

Aujourd’hui, la ville est encerclée, la première route à être coupée a été celle entre Goma et Rutshuru, vraiment capitale pour le ravitaillement agricole de Goma. Le maïs [aliment de base très consommé, NDLR] vient de Rutshuru, de nombreux légumes viennent aussi de ce coin.

Carte centrée sur la ville de Goma indiquant certains des villes et villages pris par le M23.
Carte centrée sur la ville de Goma indiquant certains des villes et villages pris par le M23. © France 24

Ils tiennent aussi la route de Bunagana. Des produits qui pouvaient facilement arriver à Goma en deux à quatre heures mettent désormais des jours, car ils passent par le Rwanda, avec tout ce qui est lié aux formalités douanières. Ça pesait sur les commerçants et les prix des denrées se sont envolés.

Puis Kitshanga, et Masisi, et aujourd’hui, il y a des affrontements pour couper la route de Minova, qui relie le Nord-Kivu et le Sud-Kivu.


La route Goma-Rutshuru, côté Goma, barricadée par les déplacés du camp de Kanyaruchinya, aux portes de Goma, le 6 mars, pour demander de l’aide humanitaire

Certaines voies aériennes de la ville sont toujours ouvertes ainsi que les voies navigables via le lac Kivu, bien que certaines sont dangereuses selon nos Observateurs.

Depuis le 9 mars, un pont humanitaire aérien de l’Union européenne a été mis en place pour soulager la population. Mais à Goma, beaucoup se sentent délaissés par la communauté internationale et le gouvernement congolais, comme l’atteste Didier (pseudonyme), originaire de Rutshuru, qui a rejoint sa famille à Goma il y a quelques mois.

Dans la communauté et les médias internationaux, on entend “Il ne faut pas que Goma tombe”. C’était le discours d’Emmanuel Macron, qui en a même parlé quand il était à Kinshasa [le 4 mars dernier, dans un contexte où le président français est accusé de soutenir le Rwanda, NDLR], mais entre Goma et Rutshuru [tenue par le M23, NDLR], c’est la même chose !  L’aide humanitaire peut soulager un moment, mais ce que nous souhaitons, c’est la paix.

Selon l’un de nos Observateurs, la situation sécuritaire s’est largement dégradée à Saké, où les combats ont repris vendredi matin, poussant une nouvelle fois encore des centaines de déplacés sur la route de Goma. Le même jour à Kinshasa, une délégation du Conseil de sécurité de l’ONU a rencontré le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, avant de se rendre à Goma, dans un contexte de défiance populaire envers l’ONU.

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