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Meurtres, insalubrité et “esclavagisme” : des milliers de détenus en grève dans l’Alabama

Des gardiens endormis pendant leurs services, des cellules couvertes de crasse, des bagarres mortelles : les personnes incarcérées en Alabama, dans le sud des États-Unis, ont lancé une grève depuis le 26 septembre pour protester contre les conditions de détention. Pour reprendre le travail, les détenus veulent des changements de fond au système de justice pénale de l’Alabama.

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Ce sont 15 prisons d’État en Alabama qui sont concernées par le mouvement. Des vidéos partagées en ligne, ainsi que des témoignages de personnes incarcérées attestent de conditions de vie déplorables au sein des prisons d’Alabama, connues pour être particulièrement violentes et peu sûres, et où les taux élevés de viols et d’homicides sont particulièrement élevés par rapport au reste des États-Unis.

“Il y a beaucoup de bagarres entre les détenus, certaines ont fait des morts”

Earnest Lee Walker Sr. est actuellement incarcéré au centre correctionnel de St. Clair, lequel a fait l’objet de nombreuses plaintes mettant en cause des conditions de vie effroyables. Avant d’arriver à St. Clair en mars 2022, Earnest Lee Walker Sr. a été incarcéré dans deux autres établissements – Holman Donaldson et Fountain. Il a déjà purgé 15 ans d’une peine de prison à vie, sans libération conditionnelle. 

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La prison est dans un état épouvantable. L’infrastructure est réduite à néant. Il pleut dans certaines cellules. C’est infesté de vermine. Ce ne sont pas des conditions de vie humaines.


A video shows the bathroom at a prison in Alabama.


A video shows the filth in a cell in an Alabama prison, with what appears to be blood or excrement smeared on the walls. “I asked for some cleaning supplies and they said ‘No’,” says the person filming the video.

 J’ai souvent vu les gardiens endormis pendant leurs services, en raison de l’énorme manque de personnel qui ne leur permet pas d’assurer une protection ou une sécurité adéquate. En raison de ce manque de personnel et de la surpopulation, les dortoirs ne sont généralement pas surveillés par un officier. Donc il y a beaucoup de bagarres entre les détenus. Certaines ayant fait des morts, d’autres des blessés graves.

Les gardiens de prison nous laissent à peu près tranquilles. Les portes ne se ferment jamais à clé, donc je n’arrive pas à dormir. Il y a un manque total de sécurité et de contrôle institutionnels. Les gardiens nous font passer de la drogue et des téléphones portables pour nous apaiser.

En 2020, le ministère américain de la Justice a intenté un procès à l’État d’Alabama et au département des services correctionnels, affirmant que les conditions du système pénitentiaire constituaient une violation de la Constitution, évoquant notamment des  “châtiments cruels et inhabituels”. Pourtant, certains disent que les conditions n’ont fait qu’empirer.

La population carcérale de l’Alabama dépasse les 20 000 personnes, mais les prisons de l’État ont été conçues pour en accueillir 12 000. Tandis qu’en 2021, plus d’un poste de gardien sur deux était vacant.

En parallèle, les décès dans le système carcéral montent en flèche. Au moins 13 personnes ont été tuées dans les prisons de l’État d’Alabama en 2022. L’établissement de St. Clair, où Earnest Lee Walker Sr. est actuellement incarcéré, a le taux d’homicides en prison le plus élevé des États-Unis.  

Détenus au sol, mort ou blessés 

Un rapport du ministère de la Justice paru en 2020 a souligné l’incapacité du système pénitentiaire à prévenir la violence et les abus sexuels entre prisonniers. Sur Twitter et TikTok, des détenus ont publié des vidéos explicites montrant certains d’entre eux gisant morts ou blessés sur le sol, alors qu’aucun agent de sécurité ou personnel médical n’est là pour les aider.

Des gardiens de prison ont également été accusés de violence et de mauvais traitements. Une vidéo partagée sur Twitter le 27 septembre 2022 montre des gardiens en train de battre une personne en détention.   

En Alabama, comme dans d’autres États, les détenus sont censés travailler, et les prisons dépendent de la main-d’œuvre carcérale pour des activités telles que la restauration, la blanchisserie, le nettoyage et la gestion des petits magasins, où les détenus peuvent acheter de la nourriture et des articles d’hygiène.

Aux États-Unis, les détenus gagnent en moyenne 52 centimes de dollar par heure, mais l’Alabama est l’un des États où la plupart des détenus ne sont pas payés du tout. 

Et ce alors que les personnes incarcérées ne peuvent pas refuser de travailler – nombre d’entre elles risquent des sanctions telles que l’isolement ou le refus de certains privilèges si elles ne le font pas. Depuis le début de la grève, c’est le personnel pénitentiaire qui est contraint de faire leur travail. Conséquence, les prisons ont donc réduit les services de repas, tandis que de nombreux détenus et membres de leur famille accusent les établissements de les “affamer” pour mettre fin à la grève. Les visites du week-end ont également été suspendues.


“Payer un homme 25 cents de l’heure, ce n’est pas le payer”

Un autre détenu, connu sous le nom de “Swift Justice”, est le cofondateur du groupe de défense “Unheard Voices of the Concrete Jungle” (UVOTCJ, en français “Voix inconnues de la jungle de béton”). Selon lui, les conditions de travail dans les prisons sont proches de l’esclavage.

Jusqu’à 90 % des prisons américaines fonctionnent grâce au travail des détenus, qu’il s’agisse de la cuisine, de la lessive, du jardinage, des ordures, de l’entretien, de l’infirmerie, des concierges ou du travail en usine.

En arrêtant ce travail d’esclave, certains [détenus] ont coupé le moteur de la prison. Elle ne peut pas fonctionner sans eux. Le système pénitentiaire de l’Alabama était en crise et ces grèves en ont fait une crise par-dessus une crise. Payer un homme 25 cents de l’heure, ce n’est pas le payer. Ici, la loi fédérale exige que tout le monde soit payé au salaire minimum, sauf si vous êtes un criminel. 

On ne fait pas la révolution en un jour, mais j’ai observé un changement s’opérer chez les esclaves eux-mêmes. Ils sont plus nombreux à comprendre que s’ils n’agissent pas pour un changement, leur destin sera de pourrir dans ces prisons et peut-être de ne plus jamais revoir le monde libre.

“Nous ne faisons pas grève pour être des agitateurs, nous faisons grève parce que nous sommes fatigués”

Earnest Lee Walker Sr. a participé à trois grèves organisées par les prisonniers d’Alabama et il affirme que les plaintes des prisonniers vont bien au-delà des mauvaises conditions et du travail non rémunéré.

C’est notre troisième grève, elle a été planifiée entre février et avril de cette année. Elle était spécifiquement conçue pour attirer l’attention sur le traitement inhumain des citoyens incarcérés dans l’ensemble des prisons. Elle était également faite pour montrer les conditions de vie inhumaines dans lesquelles les citoyens incarcérés vivent et pour contester les soins médicaux qui, selon nous, sont en dessous des normes. 

Enfin, la grève a été planifiée spécifiquement pour s’attaquer au système de justice pénale qui utilise encore des lois archaïques pour nous condamner. Nous voulions qu’ils abrogent la loi sur les criminels d’habitude [NDLR : qui impose la prison à vie pour une personne condamnée pour un crime après trois crimes antérieurs, même si les crimes étaient non violents ou vieux de plusieurs décennies]. J’ai été condamné à la perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle, avec des délits antérieurs non violents. Nous sommes fatigués de faire de la prison et nous sommes prêts à rentrer chez nous. Les lois ont changé et nous devrions avoir la possibilité de demander au tribunal de revoir notre peine.

Le 26 septembre, un groupe de militants a organisé une manifestation devant les bureaux de l’Alabama Department of Corrections (ADOC) à Montgomery, et a finalement présenté une liste de neuf revendications pour mettre fin à la grève. Ces demandes portaient notamment sur des modifications des peines et des libérations conditionnelles. La majorité des demandes de libération conditionnelle en Alabama sont refusées, ce qui contribue grandement à la surpopulation carcérale. 

D’autres revendications portent sur la modification des lois afin d’éviter les préjugés raciaux dans les condamnations et l’application des lois pénales. Bien qu’ils représentent 28 % de la population, les Noirs de l’Alabama constituent 43 % de la population carcérale et 54 % de la population de l’État, selon les données les plus récentes de 2017.

La rédaction des Observateurs de France 24 a contacté le département correctionnel de l’Alabama pour obtenir un commentaire, mais nous n’avons pas encore reçu de réponse. Un porte-parole du gouverneur de l’Alabama, Kay Ivey, a déclaré le 26 septembre que les demandes des personnes incarcérées étaient “déraisonnables” et ne que leur mise en planche n’arriverait “jamais dans l’État de l’Alabama”.

Si certains détenus ont repris le travail le 3 octobre, ils sont encore nombreux à poursuivre la grève.

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