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RD Congo : une femme a-t-elle été harcelée par son supérieur dans une entreprise chinoise ?

Une vidéo publiée sur Twitter le 15 juillet montrerait un cadre chinois harceler et humilier une de ses collaboratrices congolaises dans un bureau de l’entreprise minière chinoise Congo Dongfang Mining (CDM). Si l’entreprise a nié toute scène de harcèlement, les images ont suscité beaucoup de réactions dans un contexte où les scènes de violence entre ouvriers chinois et congolais sont régulières dans les mines de cobalt ou de cuivre, révélant les tensions sociales entre les deux communautés.

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Dans la vidéo, on voit une femme à genoux subir de manière répétée des attouchements de la part d’un homme, visiblement son supérieur, habillé en uniforme bleu. Ce dernier, amusé par ses gestes, ne semble pas considérer l’opposition de la jeune femme.

Le son de cette vidéo, inaudible, a été recouvert d’un effet sonore, à partir d’une application chinoise de montage de vidéo appelée “Kuaiyin” suggérant que la vidéo circulait sur les réseaux sociaux chinois. 

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Relayée sur Twitter le 15 juillet, la scène a beaucoup fait réagir en République démocratique du Congo.


D’après les vérifications menées par la rédaction des Observateurs de France 24, la scène s’est déroulée dans les locaux de la Congo Dongfang Mining (CDM), une société chinoise de transformation de cobalt et de cuivre basée à Lubumbashi, dans la province du Haut-Katanga, dans le sud-est de la République démocratique du Congo.

Quelques commentaires indignés sur Twitter.
Quelques commentaires indignés sur Twitter. © Captures écran Twitter

“La femme avait peur de perdre son boulot”

Toutefois la vidéo n’est pas récente. Une plus ancienne occurrence date du 22 avril. Mois durant lequel la scène se serait déroulée, selon les informations recueillies auprès d’un agent de l’entreprise qui a souhaité garder l’anonymat. Il raconte :

L[‘homme] chinois que vous voyez dans la vidéo est le chef du département chargé de la qualité de l’entreprise. Et la fille à genoux travaille comme assistante dans le laboratoire où sont analysées les échantillons des matières premières.

Ce patron chinois a souvent pour habitude de faire des avances aux femmes de l’entreprise. Mais celle-ci a refusé. Pourtant, il a tellement insisté que la femme avait peur de perdre son boulot. Elle est venue donc lui demander pardon pour ne pas être renvoyée. C’est cette scène qui a été filmée.

L’affaire a fait grand bruit au sein de l’entreprise et est même remontée en mai au niveau des autorités provinciales. Mais au niveau du gouvernorat, ils ont fait croire aux autorités que c’était une pièce de théâtre qui avait été filmée. Et l’affaire a été close.

Il y a eu plusieurs cas de harcèlements comme cela au sein de l’entreprise. Mais c’est la première fois qu’il y a une vidéo qui fuite.

“Un montage vidéo pour sensibiliser les femmes au harcèlement” affirme l’entreprise

Contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, un responsable du service juridique de CDM qui connaît très bien le dossier mais qui a souhaité rester anonyme, affirme qu’il ne s’agissait pas d’un cas de harcèlement sexuel. Il confirme la version d’une “mise en scène à des fins de sensibilisation au sein de l’entreprise”.

Ce qui se dit sur les réseaux sociaux n’est pas vrai. Il y a même l’inspection du travail qui est venue s’enquérir de la situation. En réalité, il s’agissait d’un montage vidéo qu’ils ont fait pour sensibiliser les femmes sur les questions de harcèlement en milieu professionnel. 

L’objectif était d’encourager les femmes à toujours résister et dire non quand elles sont harcelées au travail. La femme a même été surprise que cette vidéo se retrouve sur les réseaux sociaux. D’ailleurs, elle continue de travailler dans la société. S’il y avait harcèlement, elle se serait plainte auprès de nous.

Malgré cette version non officielle d’un responsable de CDM, un deuxième agent de l’entreprise a confirmé à notre rédaction qu’il s’agissait bien d’un cas de harcèlement sexuel qui aurait été “réglé à l’amiable” entre le cadre supérieur chinois et sa collaboratrice. La rédaction des Observateurs de France 24 n’a pas pu rentrer en contact avec la victime, ou confirmer un échange financier entre les parties.

Des questions sur cet incident ont été transmises à l’entreprise CDM par notre rédaction, mais aucune réponse ne nous est parvenue avant la publication de cet article. Nous ajouterons leur réponse si celle-ci nous parvient.

“Une grande majorité des victimes souffrent en silence de peur de perdre leur travail”

David Ilunga est le chargé des questions politiques et des droits de l’Homme pour le Mouvement pour les droits de l’Homme et la réconciliation, une ONG basée à Lubumbashi. Selon lui, les cas de harcèlement sexuel au sein des entreprises minières chinoises implantées en République démocratique du Congo sont réguliers. Mais il est difficile pour les victimes d’obtenir justice, et il ne s’étonne pas du mode de défense de l’entreprise CDM.

Nous avons traité plusieurs cas de harcèlement sexuel dans les entreprises minières. Mais c’est la première fois qu’une vidéo documente le phénomène. Le plus souvent, ce sont les victimes qui viennent nous voir pour dénoncer les agissements de leurs patrons chinois.

Mais très vite, quand on entame des procédures en justice où qu’on leur propose de le faire, elles se rétractent pour plusieurs raisons. La première est que les entreprises chinoises leur proposent de l’argent en échange du silence. Une sorte de règlement à l’amiable. Une autre raison est que les femmes évoquent leur honneur et ont peur de s’exposer.

Mais une grande majorité des victimes n’ose pas dénoncer ces situations de peur de perdre leur travail. Elles souffrent donc en silence et sont obligées de subir ces actes d’humiliation.

Au sein des entreprises minières chinoises qui s’implantent de plus en plus dans notre pays, les travailleurs sont très vulnérables. Les conditions de travail ne sont pas reluisantes. Le plus souvent, ils n’ont pas de contrat ou au mieux enchaînent des petits contrats précaires. 

Dans ce type d’entreprise, les patrons chinois ne tolèrent que très peu les syndicats. Les travailleurs ne peuvent donc pas parler d’une seule voie et se défendre. Il n’y a pas de canaux pour dénoncer les mauvais agissements des supérieurs hiérarchiques.

Tout ceci est encouragé par l’impunité dont jouissent les entreprises chinoises. Elles ne sont souvent pas sanctionnées parce qu’elles sont couvertes par des personnalités politiques qui ont aussi des intérêts au sein de ces entreprises. La légèreté avec laquelle l’entreprise s’est défendue en parlant d’une “mise en scène” illustre bien mes propos.

En République démocratique du Congo, le harcèlement sexuel constitue une infraction depuis 2006 et est puni “d’une servitude pénale d’un à douze ans et d’une amende de 50 000 à 100 000 francs congolais”, soit de 21 à 42 euros. Mais de plus en plus, ce sont les violences physiques et psychologiques à l’encontre des ouvriers congolais que dénoncent les ONG.

De son côté, le ministre provincial des Mines, Georges Mawine, contacté par notre rédaction, affirme avoir entendu parler de cette scène d’humiliation à CDM mais ne pas avoir traité le dossier. Il reconnaît toutefois que les cas de violences et de violations des droits de l’Homme au sein des entreprises minières chinoises sont fréquents, et nous a affirmé :

“Il n’y a pas que les femmes qui sont concernées mais tous les ouvriers qui travaillent dans les mines [sont soumis au harcèlement de leurs supérieurs, NDLR]. Nous sommes conscients du phénomène. Il faut que cela change. Mais il y a encore du travail.”

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