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Iran : des files d’attente monstres, symboles de l’échec de la stratégie vaccinale anti-Covid

La campagne de vaccination contre le Covid-19 en Iran crée des situations rocambolesques :Plusieurs vidéos amateur montrent les files d’attente d’une centaine de mètres pour se faire vacciner, alors que sur d’autres images, on voit des milliers de personnes se précipitant pour traverser la frontière avec l’Arménie, à la recherche d’une dose de vaccin. Des images qui reflètent l’échec de la stratégie vaccinale et des rivalités politiques, selon notre Observateur, un médecin iranien.

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En Iran, un pays comptant 82 millions d’habitants, les chiffres de vaccination sont pour l’heure extrêmement faibles : 4,7 millions de personnes ont reçu leur première dose, et seulement 2,2 millions d’Iraniens ont totalement complété leur parcours vaccinal. Cela s’explique par le fait que seuls les Iraniens de plus de 60 ans sont éligibles à la vaccination. 

Mais malgré le fait que la vaccination soit ouverte aux personnes âgées, se procurer une dose reste un parcours du combattant pour les plus de 60 ans, comme en témoignent plusieurs vidéos de longues files d’attente devant les centres de santé. 

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Une longue file d’attente pour se faire vacciner avec seulement des hommes et des femmes âgés à Téhéran. Vidéo publiée le 16 mai sur Aparat.

Beaucoup d’Iraniennes et d’Iraniens, majoritairement des jeunes de la classe moyenne qui ne sont pas encore éligibles à la vaccination, se rendent à l’étranger pour se faire vacciner : à Dubaï mais surtout en Arménie, pays voisin, où il est facile de se rendre depuis l’Iran, soit en avion ou en voiture.


Vidéo documentant des patients attendant pour se faire vacciner et se mettant en colère après des heures d’attente à Téhéran. Vidéo publiée le 12 juillet.

Selon des statistiques officielles, 86 000 Iraniens ont perdu la vie à cause du Covid-19 et le pays a été durement touché par la cinquième vague avec le variant Delta notamment. Mais ces chiffres seraient, selon plusieurs experts, largement sous-estimés.

>> LIRE SUR LES OBSERVATEURS : En Iran, les autorités “dissimulent” de nombreux décès liés au Covid-19

Alors que les autorités iraniennes ont promis, depuis décembre dernier, une vaste campagne avec des vaccins faits maison, presque tous les vaccins disponibles jusqu’ici sont importés : le Sputnik russe, les Sinopharm et Sinovac chinois ou encore certaines variantes indiennes du Astra Zeneca.

Toutefois, les stocks disponibles n’ont pas suffi à couvrir la demande. Le 10 juillet, le ministre iranien de la Santé, Saeed Namaki, a affirmé : “À partir de demain, nous injecterons 400 000 vaccins chaque jour”. Mais dans les faits, selon les rapports de médias iraniens, environ 51 000 doses ont été injectées quotidiennement depuis cette date.

“La vaccination est devenue une lutte de pouvoir politique et économique en Iran”

La rédaction des Observateurs de France 24 a parlé avec le Dr Hadi Yazdani, un médecin basé à Shiraz, dans le centre de l’Iran. Il explique pourquoi l’Iran manque de vaccins :

Il y a différents facteurs impliqués dans la crise de la vaccination en Iran.

D’un côté, il y a un problème général : un nombre limité de vaccins dans le monde, et des pays comme l’Inde, la Chine et la Russie qui avaient promis des vaccins à l’Iran, ont finalement refusé de lui vendre des doses supplémentaires.

La République islamique n’a jamais essayé d’établir une relation “normale” avec des partenaires commerciaux, et dans des périodes de crise comme celle-ci, elle ne pouvait solliciter aucune faveur.


Des Iraniens au poste de contrôle frontalier entre l’Iran et l’Arménie essayant d’entrer en Arménie pour se faire vacciner.

Mais le principal problème est ailleurs : certains partis puissants et bien connectés ont réussi à convaincre les dirigeants politiques que nous n’avons pas besoin de vaccins étrangers et ont presque bloqué les achats de vaccins étrangers en quantité. Ils ont même réussi à convaincre le guide suprême iranien : lors d’une courte allocution en janvier 2021, Ali Khamenei a interdit les “vaccins occidentaux” américains, britanniques et même les français [NDLR :  la France développe un vaccin Sanofi-GSK pas encore commercialisé,]

Dix-huit sociétés iraniennes différentes ont soumis leurs licences de vaccins. Si on les regarde de plus près, seules deux ou trois de ces sociétés sont scientifiques, les autres n’ont été sélectionnées que parce qu’elles appartiennent à des fractions politiques proches du pouvoir en Iran. Le plus important parmi ces groupes est le “Siège Exécutif de la Directive de l’Imam”, connu sous le nom de “Setad”, qui fabrique le vaccin “COVIran Barakat.

Setad est l’un des organes semi-gouvernementaux les plus puissants et les plus riches d’Iran. Créé en 1989 par Rouhollah Khomeini, fondateur de la République islamique, il est aujourd’hui directement contrôlé par l’actuel guide suprême Ali Khamenei. La valeur des actifs de Setad est estimée à environ 95 milliards de dollars. L’ancien président des États-Unis, Donald Trump, avait mis en place des sanctions contre cet organe en juin 2019.

Setad avait promis plus de 50 millions de vaccins “COVIran Barakat”, mais jusqu’à présent aucun n’a été délivré.

“Tout ce qu’ils ont donné aux gens ne sont que des mots”

Le Dr Hadi Yazdani poursuit :

La vaccination est devenue une lutte de pouvoir politique et économique en Iran. Ces organismes ont en effet découvert que la vaccination contre le Covid-19 était quelque chose qui implique plusieurs doses et potentiellement des rappels, et donc ils la considèrent comme une source d’argent énorme. Ils ont donc essayé d’injecter une dose de nationalisme dans la campagne vaccinale juste pour se remplir les poches.

Jusqu’à présent, tout ce qu’ils ont donné aux gens ne sont que des mots. Nous n’avons vu aucun vaccin et il n’y a pas de données disponibles pour vérifier l’efficacité de ces vaccins fabriqués en Iran. Et même si ces vaccins fonctionnent vraiment et sont efficaces, il y a de sérieuses questions sur la capacité de l’Iran à les produire en quantités industrielles.

À cause de cette politique de vaccination, ou plutôt à l’absence de politique, nous connaissons déjà la cinquième vague de Covid-19 en Iran.

“Ces files d’attente pour traverser la frontière avec l’Arménie, je pense que c’est humiliant pour l’Iran”

Il n’existe pas, pour l’heure, de statistiques sur le nombre d’Iraniens qui sont partis à Dubaï ou en Arménie pour se faire vacciner. Cependant, le Bureau des Douanes iraniennes a annoncé, le 10 juillet “qu’au cours des dernières 48 heures, 1 800 Iraniens ont passé le poste de contrôle frontalier entre les deux pays”.

Le Dr Hadi Yazdani ajoute : 

Ce sont des gens normaux qui se sentent seuls face aux multiples vagues mortelles de Covid-19 et n’ont aucun espoir de se faire vacciner dans leur pays. Ils essayent de trouver un vaccin partout où ils le peuvent. L’Arménie en fait partie, c’est un pays voisin, ce n’est pas cher et ils ont assez de doses. 

Ces files d’attente pour traverser la frontière et se faire vacciner là-bas, en un mot, je pense que c’est humiliant pour l’Iran. En tant qu’Iranien, lorsque je vois que notre gouvernement n’est pas capable d’exercer ses responsabilités fondamentales, d’assurer la santé mentale et physique et la sécurité de ses citoyens, je ne ressens que de la honte.

Le 7 juillet, Artashes Tumanyan, l’ambassadeur d’Arménie en Iran, a annoncé que la vaccination sera gratuite en Arménie. Cependant, seuls les voyageurs restant plus de 10 jours dans le pays pourront recevoir le vaccin.

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