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Liban : des files d'attente devant les stations-services dégénèrent en affrontements armés

Des files d’attente pendant des heures, des bagarres à couteaux tirés, des coups de feu : ces dernières semaines des scènes de chaos se sont multipliées autour des stations-services au Liban, alors que le pays fait face à une grave pénurie de produits hydrocarbures. Notre Observateur à Beyrouth raconte le calvaire et “l’humiliation” ressentis par les Libanais devant cette nouvelle conséquence de la crise économique qui mine le pays.

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La livre libanaise ne cesse de dégringoler depuis plusieurs mois face au dollar américain. Jeudi 17 juin, la monnaie nationale s’échangeait à 14 800 livres pour un dollar. 

Sur fond de cette dépréciation de la monnaie nationale, le prix de l’essence à la pompe, même s’il reste subventionné par l’État, a augmenté à plusieurs reprises ces derniers mois. Jeudi 17 juin, le bidon de 20 litres de sans plomb 95 passait à 43 500 livres [24 euros] après une nouvelle augmentation de 1 700 livres [0,94 euro] annoncée par le gouvernement libanais. 

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Et tandis que le gouvernement libanais a réduit son importation de produits hydrocarbures ces derniers mois, de nombreuses stations-services ont fermé à travers le pays, et l’essence est parfois rationnée à seulement 10 litres par passage à la pompe. 

Conséquence : des files d’attente, longues parfois de plusieurs kilomètres devant les stations restées ouvertes, ont à plusieurs reprises dégénéré en bagarres depuis début juin, comme l’attestent des vidéos relayées sur les réseaux sociaux. 


Des coups de feu fusent dans une station-service Total, dans le quartier de Qasqas, dans la banlieue de Beyrouth, mercredi 16 juin.

Des coups de feu fusent dans une station-service Total, dans le quartier de Qasqas, dans la banlieue de Beyrouth, le 16 juin 2021.


Des clients s’affrontent à coups de pompes à essence, à Dora, dans le gouvernorat de l’Akkar. Vidéo diffusée le 15 juin.

Des employés frappent un client  à coups de pistolet de pompe à essence, à Dora, dans le gouvernorat de l’Akkar. Vidéo diffusée le 15 juin 2021. 

Jalal Naanou est journaliste indépendant à Beyrouth. Il passe en moyenne trois heures par jour dans les files d’attente pour l’essence :   

“Les gens vivent cette situation comme une humiliation”

La Banque centrale du Liban a traîné pour régler les factures d’importation de produits hydrocarbures ces derniers mois, ce qui a poussé les entreprises à exiger le paiement par avance avant de livrer. La crise est aussi aggravée par certains jeunes chômeurs, qui achètent de l’essence pour la revendre au marché noir beaucoup plus cher aux gens aisés. Conséquence : l’essence disponible à la pompe a été considérablement réduite. 

Attendre trois heures par jour devant une station-service sous le cagnard, c’est en tout cas insupportable, injustifiable. Ici, les gens vivent cette situation comme une humiliation. Parfois même, vous faites la queue pendant plusieurs heures, et une fois arrivé à la pompe, l’employé vous dit qu’il n’y a plus d’essence et qu’il faudra revenir le lendemain.

Ce n’est donc pas surprenant que les gens perdent leurs nerfs, et que des bagarres éclatent. 

File d’attente devant une station-service à Beyrouth. Vidéo diffusée le 17 juin 2021.

Les bagarres surviennent surtout quand un automobiliste ne respecte pas la file et tente de passer devant les autres.

Au début, on s’étonnait quand on voyait des vidéos de rixes et de coups de feu devant les stations-services. Mais maintenant, c’est devenu banal, une routine. Des membres de l’armée libanaise et de la sécurité de l’État sont déployés depuis quelques jours devant certaines stations, mais ils ne peuvent évidemment pas être partout. Je pense que les communes devraient s’impliquer et envoyer la police municipale en renfort, ce qu’elles n’ont toujours pas fait.


Des coups de feu sont tirés – sans qu’on puisse identifier par qui – alors qu’une rixe a lieu devant une station-service , le 11 juin, à Tariq El Jdideh, un quartier de Beyrouth.

Des coups de feu sont tirés – sans qu’on puisse identifier par qui – alors qu’une rixe a lieu devant une station-service , le 11 juin 2021, à  Tariq El Jdideh, un quartier de Beyrouth.
Un coup de feu est tiré, alors que la tension règne dans une station service à Beyrouth. Vidéo diffusée le 1er juin 2021. 

Cette pénurie plombe vraiment le quotidien des Libanais. Des entreprises de transport scolaire ont dit aux familles : “ Si vous voulez que vos enfants aillent à l’école, conduisez-les vous-même, on n’a pas de carburant”. Je connais aussi des enseignants qui ne peuvent plus se rendre au travail, alors qu’au Liban c’est la période des examens.

Le ministre de l’Économie, Raymond Rajar, avait déclaré en avril que la pénurie était “principalement due” à la contrebande de carburant vers la Syrie. Une explication qui ne convainc pas Jalal Naanou :

Il y a de la contrebande quotidienne d’essence vers la Syrie, c’est vrai. L’armée libanaise annonce régulièrement des saisies à la frontière avec la Syrie. Mais il ne faut pas laisser la classe politique utiliser ce trafic, qui existe partout ailleurs dans le monde, comme excuse pour couvrir leur incompétence et leur incapacité à sortir le pays de la crise. 

Les pénuries qui frappent le Liban ont affecté plusieurs secteurs. De nombreux médicaments, ainsi que notamment le lait pour nourrisson, se font de plus en plus rares.

>> À lire sur les Observateurs : Au Liban, la colère contre les commerçants “accusés de provoquer une pénurie des produits de base”

La crise économique qui ne cesse de s’aggraver depuis près de deux ans a fait basculer un Libanais sur deux sous le seuil de pauvreté. Des groupes de manifestants descendent dans la rue régulièrement, barrant des routes, pour réclamer un renouvellement de la classe politique libanaise, jugée “incompétente” et “corrompue”.

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